365 JOURS (365 DNI) : l’amour d’un macho domi

Catapulté sur Netflix en étant vendu comme un Cinquante nuances de Grey polonais, 365 jours (365 DNI en VO) est adapté d’une série de livres signés Blanka Lipinska. Le film, réalisé par Barbara Bialowas et Tomasz Mandes, a fait beaucoup réagir, s’est attiré la colère de nombreuses féministes 2.0 et a essuyé de sévères critiques. Si on est certes loin du chef d’oeuvre, j’avoue que cette bluette complètement improbable s’est un peu imposée comme mon plaisir coupable de cet été 2020 même si ça n’est pas forcément évident de l’assumer. 

Île de Lampedusa, Mer Méditerranée. Massimo (Michele Morrone), ultra bogosse italien et fils d’un grand entrepreneur mafieux, est subjugué par la vision d’une belle inconnue. Il n’a pas le temps d’aller l’aborder : son père se prend une balle dans la tête juste devant lui ! Cinq ans plus tard, nous retrouvons Massimo devenu à son tour un redoutable mafieux, héritant de l’empire de son père.

En parallèle, nous découvrons le quotidien de Laura (Anna-Maria Sieklucka) qui n’est autre que celle qui avait subjugué Massimo. Polonaise, elle est une femme indépendante au fort caractère qui souffre d’une relation pour le moins frustrante avec son compagnon. Leur sexualité est au point mort (elle se satisfait seule avec des toys en rêvant on le présume de soumission) et le compagnon, clairement beauf et attardé, ne la considère pas. Alors qu’elle sature en sa compagnie lors de vacances en Sicile, Laura s’échappe pour marcher un peu. C’est là qu’elle se retrouve kidnappée. Elle se réveille dans l’antre immense et luxueuse de Massimo.

Cela faisait un bout de temps que Massimo, obsédé par sa vision et le coup de foudre qui en avait découlé, essayait de retrouver sa trace. Il n’a pas trouvé mieux pour attirer son attention que de l’enfermer chez lui, qu’elle le veuille ou non ! Prisonnière, Laura apprend que Massimo entend la garder captive pendant 365 jours : si à l’issue de cette année ensemble elle ne tombe pas amoureuse de lui, il la laissera partir. 

Evidemment, pour cette femme au fort tempérament il n’est pas question de se laisser enfermer et elle va dès le départ se rebeller. A la colère et aux affrontements vachards et autres claques qu’elle lui colle se mêle étrangement un désir grandissant : Laura n’a jamais été épanouie sexuellement et elle sent que Massimo, dominateur et fervent au lit, pourrait l’amener à réaliser des fantasmes enfouis… Un jeu du chat et de la souris commence. Mais alors que Laura tombe amoureuse de son macho plus romantique et inoffensif qu’il n’en a l’air, le statut de mafieux de ce dernier les rattrape…

Le début du métrage est assez cheap et maladroit et il faut un petit peu de temps pour rentrer dans l’histoire. Et puis il y a ce concept, qui , on le comprend bien, a du mal à passer aujourd’hui : un macho fou amoureux d’une inconnue décide de la kidnapper un an dans l’espoir de la faire tomber amoureuse de lui. D’abord on a envie de hurler « au secours ! » et de s’arracher les cheveux et on se demande comment un tel truc à priori misogyne a pu déferler sur Netflix qui se veut progressiste en général. Et puis on se rend compte que dès le départ il y a un véritable jeu de séduction et que la personne qui domine l’autre n’est pas celle que l’on croit : c’est bien Laura qui a les cartes en main. Prisonnière certes, elle sait qu’elle l’est car Massimo est fou amoureux d’elle. Elle comprend instantanément qu’elle peut donc le manipuler. Si évidemment on n’encouragerait personne à retenir quelqu’un captif par amour, il faut aussi avouer qu’il y a peut-être pire dans la vie que d’être enfermé dans un manoir luxueux avec un bogosse étalon qui transpire le sexe hard autant que le romantisme et qui ne demande qu’à exaucer tous vos caprices matérialistes. Mais certes,  cette glamourisation du kidnapping affectif pose problème (même s’il faut souligner que c’est un « gentil kidnapping » sans violence… avec quand même quelques mains baladeuses non consenties). Et certes être beau et friqué ne donne en aucun cas le droit de passer outre la notion de consentement.  En fait, en voyant le film on est constamment entre deux feux, entre deux sentiments contradictoires : outré et pris d’une envie de rire, se disant que c’est inadmissible et en même temps troublé par l’excitation que génèrent certaines situations, galvanisé par le lâcher prise que trouve l’héroïne à travers la soumission…

La chose serait peut-être mieux passée avec un traitement plus subtil. Ici c’est l’artillerie lourde qui est de sortie. Au fond, le vrai sujet du film ce n’est pas ce kidnapping ou un récit d’abus (ceux qui parlent de Syndrome de Stockholm sont vraiment de mon point de vue à côté de la plaque) : c’est la libération sexuelle d’une femme (initialement frustrée et dont on devine les envies un peu singulières) à travers une relation de couple à la sexualité en mode dominant-dominé. On comprend bien que derrière son agressivité Laura est attirée et fascinée par Massimo. C’est la caricature même du macho italien bogosse, regard d’acteur porno. C’est une masculinité et une vision clichée de la virilité qu’aujourd’hui on désigne comme toxique. Mais on le sait bien : les fantasmes sont parfois borderline, plus troubles que les convictions qu’on peut avoir, dépassent les frontières de la morale. On peut être une femme indépendante et quelque part avoir le fantasme d’avoir une liaison torride avec un homme très dominateur et hard au lit. On peut être une femme et prendre du plaisir à faire une fellation trash dans un avion en étant à genoux parce que oui c’est un peu dégradant aux yeux de la société mais ça peut aussi être excitant. Et on ne blâmera aucune femme pour ça, bordel ! Non au slutshaming !

Si tant est que cela puisse être un argument : le livre original est écrit par une femme,  le film est co-réalisé par une femme et les critiques 5 étoiles sur Allociné sont majoritairement écrites par des femmes. Cette attirance pour des mecs machos et dominateurs au lit existe, pourquoi en faire nécessairement un tabou et faire perdurer le vieil amalgame entre SM et viol ? 

On pourra rétorquer que 365 DNI pose surtout problème du fait que le déclencheur de l’intrigue soit un kidnapping et que dans le cas de figure où le film serait vu par des ados un peu bêtes cela pourrait être dangereux car ils pourraient se dire que c’est comme ça qu’il faut faire avec les filles pour les séduire ou que la sexualité dans le couple se doit d’être comme dans des films x… C’est tout à fait vrai et oui voilà , encore une fois, on est toujours entre deux feux. A-t-on besoin d’un film comme ça alors que beaucoup luttent contre le patriarcat ? Pas sûr. On pourra en tout cas constater que le film provoque à postériori des débats vifs et intéressants sur le consentement, sur les limites à ne pas franchir,  sur la façon de voir la sexualité au féminin et pour les féministes de parfois la culpabiliser, la frontière entre romantisme et manipulation.

Ceci étant dit, j’ai trouvé le personnage de Laura plus fort que celui d’Anastasia dans Cinquante nuances de Grey. Dans ce dernier film, Anastasia a vraiment un côté mielleuse, soumise à tous les niveaux voire un peu cruche, très vulnérable. Laura, elle, passe constamment à l’offensive, ne lésine pas sur les claques et coups d’éclat et mine de rien mène la danse par ses regards, sa façon d’être, ses actions. Massimo est ultra vulgaire dans son attitude de domi macho ? Elle l’est tout autant que lui et se fait une joie de jouer avec ses pulsions et de le rendre dingue pour lui faire payer de la retenir captive. Il n’y a d’ailleurs jamais l’ombre d’un doute que le film se place du côté du personnage féminin. On est avec Laura dans son indignation d’être enfermée, on s’amuse avec elle lorsqu’elle se rebelle et on la comprend aussi quand elle se laisse troubler sexuellement, charmer par ce bad boy qui a le coeur aussi sensible que l’entrejambe solide.

Le film ne lésine pas sur les passages cheesy et érotico-pornos (c’est bien plus cash que Cinquante nuances) et c’est un festival de situations et de répliques qui font autant pleurer de rire ou de consternation d’un côté (balancée par un Massimo fier de sa teub jusqu’à la caricature quand il s’exhibe sous la douche,  se donne en spectacle voyeuriste en plein ébat ou promet qu’il va faire crier sa partenaire au lit si fort « qu’on l’entendra jusqu’à Varsovie ») qu’elles déversent une certaine charge érotique de l’autre. Car oui, désolé, mais moi j’ai trouvé le film super hot et j’ai aussi trouvé que Michele Morrone qui joue Massimo, aussi cliché puisse-t-il être, est hyper troublant sexuellement. C’est une énorme caricature de domi, de bad boy qui cache son coeur tendre… mais ça marche ! Moi il m’attache au lit ou m’emmène sur son bateau quand il veut !

Et si l’ensemble est lunaire, improbable, il se révèle étrangement fun, divertissant, car il réussit mine de rien à surprendre et marquer, pour le meilleur et pour le pire, constamment. Si on ne boude pas son plaisir et qu’on le voit avec un peu de second degrés (qui me semble être assumé ici), 365 DNI se révèle être une surprise what the fuck, régressive et potache, jouissive, inattendue. C’est un petit bijou de mauvais goût, un téléfilm érotique de luxe avec un duo d’acteurs qui y va à fond. Tout est lourd, tout va trop loin, tout est vulgaire mais ça fait le job et on finit miraculeusement par y croire.

Enfin, en miroir au portrait de femme qui exulte dans un rapport intime de domination-soumission, j’ai trouvé le film intéressant dans sa façon de décortiquer la figure du macho beauf. Car au final Massimo est une brute romantique, un nounours mafieux, un romantique égoïste et narcissique (il se sait beau et bon au lit, il pense qu’il fera forcément le bonheur d’une femme et son impulsivité et sa bêtise l’amèneront à s’autodétruire et blesser dans sa chute celle qu’il aime). Le personnage est plus complexe à analyser et fascinant qu’il n’y parait. C’est un petit cas d’école. Au final c’est lui qui est prisonnier. Mafieux sans l’avoir choisi, dominé sentimentalement par celle qu’il se donne l’illusion de dominer par le sexe. C’est lui qui pleure, tombe et s’écroule au sol à la fin.

Alors oui, tout dépend à qui ce long-métrage est montré. Il peut sans doute être dangereux pour une audience qui serait peu évoluée et prendrait tout au premier degré. Oui, voir une femme qui kiffe les jeux de soumission ça n’est pas très trendy aujourd’hui et ça peut être mal interprété. Et oui, au fond le film est plus amusant sous l’angle du nanar et déborde de maladresses. Moi j’ai aimé ce côté un peu fou, trash et malade. Je n’ai pas trouvé la relation malsaine sur le long terme car au final ce que dit et montre 365 DNI en filigrane est très vrai : avoir des rapports sexuels à tendance SM (consentis, précisons-le si besoin) n’empêche pas, bien au contraire, de faire naitre de grands sentiments amoureux. Rien que pour ça j’avais envie de défendre un peu cet OFNI mal aimé. 

Film sorti sur Netflix en 2020