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5 DANSES d’Alan Brown : un pas vers le bonheur

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Chip (Ryan Steele), 18 ans, débarque à New York pour poursuivre son rêve : devenir danseur professionnel. Il intègre une troupe de danse moderne avec laquelle il prépare un show pour un festival. Le quotidien est fait d’efforts, de discipline, de rigueur : les corps s’acharnent pour finir par trouver l’harmonie. Le soir, Chip dort dans la rue ou squatte la salle dans laquelle il s’entraîne. Quand l’une des danseuses de la troupe, Katie (Catherine Miller), le trouve dormant dans son sac de couchage, elle lui propose de loger chez elle quelques temps. C’est l’occasion pour cette femme plus âgée d’en découvrir un peu plus sur Chip jusqu’alors très secret. Chip s’exprime en dansant, son regard le trahit parfois, révélant sa vulnérabilité, son besoin d’amour. Sa mère l’appelle constamment pour lui demander de rentrer dans leur bourgade afin de s’occuper d’elle, de tout abandonner. Il essaie de tenir bon, reste droit, refuse un peu trop sauvagement les avances d’un de ses partenaires de danse, l’attentionné Theo (Reed Luplau). Mais au fil des répétitions, les deux garçons pourraient bien parvenir à trouver le bon tempo…

5 danses alan brown

Réalisateur de l’original Soldat Roméo, Alan Brown nous entraîne avec 5 danses (5 dances en VO) dans les coulisses d’une petite troupe, dans le quartier de Soho à New York. Si l’on perçoit bien la dureté de l’entraînement, l’extrême rigueur exigée par les répétitions, les personnages ne se plaignent jamais, passent leur temps à perfectionner leurs pas, à tenter d’atteindre une forme de grâce. Comme le titre du long-métrage pouvait le laisser présager, 5 passages dansés jalonnent l’itinéraire de Chip. Des morceaux de Scott Matthew, Gem Club ou Perfume Genius (liste des musiques ici) ornent magnifiquement les chorégraphies, semblant à la fois simples et sublimes. La majeure partie du film se déroule dans la salle d’entraînement, l’atelier, où chacun apprend, utilise, crée. Les répétitions se font obsédantes et le mystère plane. Le montage est volontairement haché, traduisant l’intensité d’une vie réglée par la passion de la danse, qui permet peu d’écarts, qui n’offre que des bribes de temps libre, de vie.

Si à les voir exécuter majestueusement leurs danses on pourrait jurer que ces garçons et ces filles viennent du ciel, ils n’en sont pas moins des êtres humains comme les autres. Séparation dont on peine à se remettre, liaison cachée et hors mariage avec le prof de danse, attirance pour un partenaire qu’on peine de plus en plus à refouler : bien que chacun semble garder ses fêlures au plus profond de soi, il y a un moment où à force de ne se consacrer qu’à la danse, d’être en huis clos, l’explosion surgit. 5 danses est probablement l’un des films les plus doux de cette année 2013. Il préfère le parfum de la mélancolie au pathos, les regards qui en disent long aux grandes conversations, les câlins et les pas de danses aux déclarations. Les acteurs, presque tous débutants et danseurs confirmés, sont parfaitement dans la retenue mais ne véhiculent pas moins d’émotions pour autant. Lentement, des liens d’amitié ou des sentiments amoureux naissent, les corps gracieux laissent place à des personnes rongées par le doute, la douleur de la solitude, la peur de ne pas y arriver.

5 danses alan brown

A force de ténacité, de détermination, on pourrait peut-être accéder à des moments de bonheur, de magie. Chip du haut de ses 18 ans possède déjà un talent fou. Multipliant les tentatives de rapprochement, Theo finira par rassurer celui qu’il désire tant, lui prouver que s’il accepte d’être dans ses bras il ne sera pas en danger. Dans sa dernière partie, le film s’envole. On a les yeux mouillés mais nous ne sommes pas tristes : nous assistons juste, avec la boule au ventre, à la naissance d’un amour, de deux solitudes qui soudain s’annulent. Si la réalisation est dans son récit du quotidien assez classique, les passages dansés sont filmés avec beaucoup de souffle et la subtilité de l’ensemble, l’émotion qui émane des comédiens, finissent par nous bouleverser. Beau et terriblement attachant.

Film sorti en 2013 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3