FICTIONS LGBT
London Spy, saison 1 (2015) : love story gay et espionnage
Critique de la saison 1 de la série « London Spy » créée par Tom Rob Smith, avec Ben Whishaw. Diffusée au Royaume-Uni en 2015 sur BBC Two. Disponible en DVD.
Londres. Danny (Ben Whishaw) est un jeune gay mal dans sa peau qui mène une vie dissolue, rythmée par les excès. Un jour, après une virée en club se soldant par une nuit blanche, il tombe au sol. Un bel inconnu, Alex (Edward Holcroft), arrête son footing pour lui venir en aide avant de disparaître. Il suffit d’un regard pour que Danny soit sous le charme et se décide à retrouver son sauveur. Ils finissent par se recroiser et même si Alex est du genre hyper taiseux et mystérieux, Danny s’accroche à lui. Une romance intense nait alors entre les deux garçons. Mais rapidement, Danny comprend que quelque chose cloche : Alex, qui semble mener la grande vie, est très discret sur son travail, mutique. Qu’importe : ce qui se passe entre eux est fort et l’hyper sensibilité d’Alex, qui avouera n’avoir jamais vécu la moindre relation sentimentale ou sexuelle auparavant, rend fou amoureux son partenaire. Après des mois d’amour, un jour Alex disparait. Danny le retrouvera mort dans le grenier de son vaste appartement. C’est là que commence un cauchemar parano. Déchiré par la disparition de celui qu’il pensait être l’homme de sa vie, Danny découvre peu à peu ses secrets. Alex, dont visiblement le vrai prénom était Alistair, était un agent secret du MI6 et avait en sa possession des informations qui lui ont visiblement coûté la vie. Pourchassé et menacé, seul contre tous, Danny va s’entêter à mener son enquête, aidé par son unique ami, un homosexuel vieillissant secrètement amoureux de lui, Scottie (Jim Broadbent)…
Le titre de la série n’est pas spécialement sexy, la bande-annonce ne donnait pas tout à fait envie et pourtant… London Spy est une véritable claque et son pilote suffit à nous renverser. Le spectateur plonge d’emblée dans un amour aussi sublime que maudit. Articulé autour de la rencontre entre deux garçons solitaires (plus ou moins malgré eux) qui ouvrent pour la première fois leur coeur, l’épisode d’introduction aurait quasiment suffit à faire un long-métrage mémorable. Tout y est : interprétation ultra sensible des deux jeunes comédiens, musique étrange et envoûtante, atmosphère romantique et mélancolique, ivresse des premières fois, goût de paradis perdu, tension… Joliment écrit, doté d’une mise en scène puissante et bénéficiant d’un montage étourdissant, ce show anglais dont la première saison ne compte que 5 épisodes d’une durée d’un peu moins d’une heure ne cesse de surprendre.
Sa réussite, London Spy la doit à un habile mélange entre love story déchue et film d’espionnage teinté de thriller parano. Chaque personnage est ambivalent et source de multiples doutes. Habile variation sur la thématique de l’amour perdu ou impossible, de la double vie et du mensonge, la série n’hésite pas à creuser très profond, provoquant des choses très physiques, touchant en plein coeur et suscitant par moments un véritable malaise. Son rythme étrange et lancinant ne manque pas de toucher à des points sensibles et de faire naître des sensations toutes particulières. Ou le récit d’un amour candide et faussement parfait qui une fois évaporé tourne à l’obsession.
Si les bons thrillers gays ne sont pas nombreux, cette série change sérieusement la donne. Bien ficelée, avec tout ce qu’il faut de mystère et de fins d’épisodes qui vous scotchent à votre fauteuil, elle évoque aussi en arrière plan des thématiques comme la difficulté de vivre son homosexualité à travers plusieurs générations, la solitude qui peut s’emparer de jeunes homos qui s’oublient dans une spirale de sexe et le Sida. Ajoutez quelques seconds rôles éblouissants (Charlotte Rampling et Riccardo Scamarcio en tête) et vous obtenez assurément l’une des meilleures séries de ces dernières années.