FICTIONS LGBT
« J’ai 2 amours » : une attachante mini-série avec un personnage principal bisexuel
Si de plus en plus de séries mettent en avant des personnages gays ou lesbiens, la bisexualité reste assez peu abordée ou de façon assez caricaturale. « J’ai 2 amours », mini-série française produite en 2018, réalisée par Clément Michel et scénarisée par Jérôme Larcher et Olivier Joyard (un journaliste des Inrocks), s’attèle à proposer un personne principal bi sur le ton de la comédie romantique.
Nous suivons le quotidien d’Hector (le toujours aussi sexy François Vincentelli, qui campait déjà un personnage d’homme bi dans la saison 2 de Clara Sheller), urgentiste bien dans ses pompes et heureux en couple avec son chéri Jérémie (le trop craquant barbu Olivier Barthelemy). Les deux hommes vivent en colocation avec leur copine lesbienne Anna (Camille Chamoux) qui s’est portée volontaire pour porter leur enfant. Mais la chance n’est visiblement pas avec eux et Anna peine à tomber enceinte.
Dans le même temps, Hector recroise par hasard à l’hôpital où il travaille Louise (Julia Faure). Elle fût son premier amour. Les retrouvailles ne sont pas vraiment cordiales : Louise a gardé des séquelles de cette relation qu’Hector avait arrêté brutalement en lui brisant le coeur. Mais ils se revoient et constatent que quelque chose est toujours là. Dépassé par ses sentiments, Hector trompe donc Jérémie avec une femme et réalise petit à petit qu’il n’arrive pas à choisir. Il pensait être devenu gay, il comprend qu’il est simplement bisexuel. Et étant amoureux d’un homme et d’une femme en même temps, il a bien du mal à se décider.
Plutôt que de se confronter à un choix qui s’annonce cornélien, Hector fait preuve d’immaturité et s’enfonce progressivement dans le mensonge. Il se sert de son métier d’urgentiste comme d’une excuse pour jongler entre ses deux relations. Jérémie comme Louise ignorent tout de sa bisexualité. On se doute que ce petit jeu ne pourra pas durer éternellement…
On commence par le point sensible du projet : pas mal de personnes bisexuelles pourront regretter que l’on décrive un homme bi comme quelqu’un d’indécis, de sentimentalement dangereux, à la personnalité possiblement manipulatrice. Tous les bis vous le diront : ce n’est pas parce qu’on aime autant les femmes que les hommes que l’on est quelqu’un d’infidèle. Non. Être bisexuel c’est simplement suivre son coeur et pouvoir tomber, sans ressentir un profond manque, d’un homme ou d’une femme.
Passé cette maladresse qui pourra logiquement en froisser certains, il faut admettre que cette série est vraiment pleine de charme. Le sujet au final, plus que la bisexualité, est la situation complexe d’un homme qui comme le titre l’indique se retrouve à aimer deux personnes en même temps. Une situation insupportable pour tout partenaire exclusif. La série a le mérite de beaucoup donner à réfléchir sur la question du couple. Depuis si longtemps, on cherche tous à aimer et quand ça nous arrive on se rend compte que c’est beaucoup plus compliqué que ce que l’on avait pu imaginer. Qu’on le veuille ou non, le poids des moeurs, de la société, pèse sur nous. On veut tous être capable d’avoir ce couple idéal où l’on est deux, où l’on s’aime, où l’on ne cède jamais à la tentation. Mais au quotidien c’est loin d’être aussi facile et on a vite fait de tomber dans une certaine hypocrisie.
Et s’il fallait arrêter de vouloir à tout prix coller aux normes ? Et si on pouvait vraiment être amoureux de quelqu’un et en désirer un autre ? Et si on pouvait bien aimer deux personnes en même temps ? Faut-il laisser la société, les codes, les regards extérieurs, nous guider dans nos choix ou faire le pari de peut-être aimer autrement, de réinventer personnellement la notion de couple pour coller avec sa propre personnalité et celle de son partenaire ? « J’ai 2 amours » présente trois très beaux personnages qui s’aiment et que l’on n’a pas envie de voir se séparer. Mais il en faudra du courage à chacun pour accepter une situation qui n’est pas classique, qui peut être sujet aux railleries ou au cynisme.
Ce qu’il y a de beau ici, c’est l’envie d’essayer. Mettre de côté ce que l’on nous a appris, ce qui est imposé comme « normal » et tenter de croire en l’autre et en la vie, se laisser porter. Bousculer son petit monde et partir vers l’inconnu, aimer sans filet.
« J’ai 2 amours » est en ce sens une belle réussite, aussi drôle qu’introspective, qui joue parfaitement sur le charme de ses trois interprètes principaux et déploie d’attachants seconds rôles (Camille Chamoux, Yelle et Catherine Salée sont parfaites). Elle fait le pari de mettre dans le rôle principal un personnage pas lisse, ambivalent, complexe, humain tout simplement. Elle ne juge pas et délie les langues et les corps. Bravo et merci pour ça.
Produit en 2018. Disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen