FICTIONS LGBT
HANDSOME DEVIL de John Butler : un film de coming out réussi et émouvant
Sorti en France directement sur Netflix, « Handsome Devil » s’attèle au genre du « coming out movie » qui peut paraître aussi redondant que vieillissant. Il a aussi l’avantage d’être universel. Si tant de films ont raconté l’adolescence de jeunes gays et la difficulté de s’assumer, celui-ci a plus d’un atout pour faire fondre les coeurs des cinéphiles les plus blasés.
L’histoire se situe dans un pensionnat de garçons. Uniformes de rigueur et une spécificité pour l’établissement : tout le monde est obsédé par le rugby. Ceux qui ne se passionnent pas pour ce sport ont vite fait de finir marginalisés. C’est le cas du héros de ce long-métrage, Ned (formidable Fionn O’Shea), qui préfère rester dans sa chambre à écouter de la pop indé et lire des livres que d’aller se fondre dans la mêlée. Dès son arrivée à l’école, il est traité en loser, moqué pour sa préciosité, sa différence. Il est maigrichon, pas viril, maladroit.
Si le quotidien n’est pas facile, il s’en accommode et se réfugie dans son univers avec ses propres références. Ned est par ailleurs le seul à ne pas avoir de camarade de chambre. Du moins jusqu’à ce qu’arrive un petit nouveau, Conor (Nicholas Galitzine), jeune bogosse rebelle fraichement renvoyé de son précédent établissement pour avoir tabassé plusieurs de ses camarades. Le courant a du mal à passer entre les deux colocs d’infortune mais petit à petit ils vont se rendre compte qu’ils ont peut-être plus en commun que ce qu’ils n’imaginaient.
En parallèle, un nouveau professeur de littérature (Dan Sherry) fait une entrée en grande pompe et pousse Ned et Conor à s’inscrire pour un spectacle où ils devront chanter ensemble. Une initiative qui n’est pas pour plaire au coach de rugby de l’école qui voit en Conor son nouveau champion et qui aimerait que ce dernier se focalise uniquement sur les matchs à venir.
Qu’il le veuillent ou non, tous les personnages vont se retrouver happés par la compétition de rugby de l’année qui sera l’occasion d’affirmer des combats aussi sportifs que symboliques.
Première grande qualité de ce « Handsome Devil » : son écriture. C’est fin, le scénario oscille en permanence entre humour et émotions. Les dialogues sont piquants et l’atmosphère du pensionnat apporte un petit côté « Le cercle des poètes disparus » vraiment charmant. L’interprétation est hyper sensible et juste et la mise en scène rondement menée, colorée, douce, avec quelques effets pop parfaitement gérés.
Le réalisateur John Butler évite avec aisance tous les écueils du genre (plutôt que de tomber dans une love story compliquée, il est avant tout ici question d’une amitié amoureuse, d’une histoire de filiation, du récit de l’affirmation de son homosexualité sur plusieurs générations). Chacun va être poussé dans ses retranchements et à terme batailler pour faire entendre sa propre voix. Il y a beaucoup d’humanité et de générosité dans ce cinéma-là, où parfois la vie est cruelle, violente, mais où les mains tendues existent et l’espoir d’unité toujours possible.
Avec en prime une bande-originale soignée, « Handsome Devil » mouille les yeux et réchauffe les coeurs jusqu’à un final galvanisant.
Film produit en 2016 // Disponible sur Netflix France