FICTIONS LGBT
L’HEURE DE LA SORTIE : Laurent Lafitte en prof gay sous pression
Après l’excellent thriller « Irréprochable », le réalisateur Sébastien Marnier s’attaque plus frontalement au cinéma de genre avec L’heure de la sortie, porté par un Laurent Lafitte aussi désirable qu’épatant. Une proposition de cinéma forte et d’une belle étrangeté.
Au collège Saint Joseph, des élèves assistent, agités puis figés, au suicide de leur professeur de français qui se jette par la fenêtre en plein cours. Il est remplacé par Pierre (Laurent Lafitte), suppléant plein de bonne volonté. Ce dernier devra notamment s’occuper de la classe des 3e 1, une classe pilote composée uniquement de surdoués.
Dès le premier jour, Pierre flaire quelque chose de louche. Au-delà du fait qu’ils sont prétentieux, les collégiens précoces semblent prendre un malin plaisir à l’asticoter. Ce qui aurait pu simplement devenir déplaisant va se transformer en véritable cauchemar. Le professeur suppléant se sent harcelé (aux moments houleux en classe s’ajoutent de mystérieux coups de fil anonymes, une possible intrusion dans son appartement, l’apparition d’insectes…). Sur les nerfs, fatigué, il développe une obsession malsaine pour ces jeunes qu’il se met à épier.
Et plus il les observe, plus il est inquiet. Il remarque en effet qu’une bande de la classe des 3e 1 se retrouve pour s’adonner à des sortes de rituels violents et morbides. Ils cachent également d’énigmatiques DVD qui semblent sonner la fin du monde, s’appuyant sur le chaos de nos sociétés contemporaines. Qu’est-il en train de se tramer ? Pierre devient-il fou ou est-il vraiment face à une bande de cinglés ?
La mise en scène est forte et originale, parvenant facilement à plonger le spectateur au coeur de l’angoisse. Et en même temps, Sébastien Marnier s’amuse de la bizarrerie des collégiens surdoués, des situations improbables qui se multiplient entre les murs de l’école. Si les élèves précoces sont flippants, les profs sont un peu étranges aussi (big up à Emmanuelle Bercot, démente en prof de musique). Difficile de savoir à qui se fier. Pierre semble être le seul à voir que quelque chose cloche.
Dans ce rôle de prof déboussolé au bord de la crise de nerfs, Laurent Lafitte est au top et est filmé de façon très sensuelle. Le réalisateur reste la caméra collée à sa peau, scrute le charme de son visage, de sa grande taille et de son corps athlétique. S’il transpire le désir, le personnage principal est avant tout un homme frustré. Gay, il a bien du mal à trouver un partenaire et se retrouve constamment attiré par des mecs pas clairs ou hétéros. Ce manque de contact humain le pousse à se focaliser sur autre chose, à dévier, et est sans doute une des raisons de son obsession dévorante.
L’heure de la sortie n’est pas de ces films confortables où on peut deviner facilement ce qui va se passer. Jusqu’à son dernier plan, le métrage étonne et secoue. La vision est perturbante, on tourne parfois la tête (notamment lors des passages où défilent les enregistrements vidéos des 3e 1, petit condensé de la violence et de la barbarie du monde). Et c’est peut-être ce que le film nous fait le plus ressentir : cette lâcheté qu’on peut avoir face à ce qui se passe devant nous, ce refus d’admettre qu’on est très probablement en train d’aller droit dans le mur et qu’on laisse s’opérer et évoluer des choses franchement atroces.
Aussi abouti de par son côté film de genre atmosphérique que de par son intrigue qui fait écho notamment aux enjeux écologiques actuels, ce film singulier honore le cinéma français en ce début d’année… et confirme que Sébastien Marnier est un auteur à suivre, s’attaquant à des genres souvent ratés chez nous et les transformant en réussite.
Film sorti le 9 janvier 2019