FICTIONS LGBT
DANCING : bear au bord de la schozophrénie
René, artiste plasticien, et Patrick, scénariste, vivent en couple dans un petit coin isolé de la Bretagne. Ils sont ce que l’on appelle dans le milieu gay des « bears » . Nous suivons leur quotidien, en apparence banal. Mais voilà qu’un jour, René donne une interview à une journaliste locale. Alors qu’il examine la parution, il découvre au dos de son interview une intrigante photographie des Bernand Brothers (des sortes de clowns en robe). L’image est comme une révélation : il la scanne, l’imprime, l’examine. Et dès lors, plus rien ne sera comme avant. Alors que son compagnon le laisse seul pendant quelques jours, René est le témoin d’une étrange apparition : un double de lui-même habillé façon Bernand Brothers. Un double de plus en plus envahissant qui l’amène à penser qu’il est malade : migraine, anxiété, dépression, schizophrénie ? Que se passe-t-il donc dans sa tête et dans son corps ?
Lors de sa sortie dans les salles françaises en 2003, Dancing du trio de réalisateurs Patrick-Mario Bernard, Pierre Trividic et Xavier Brillat, avait fait grand bruit et de nombreux critiques avaient loué son originalité, sa singularité. Et pour cause : l’œuvre échappe à toutes les étiquettes. Tournée en DV, elle commence comme un intimiste gay themed movie, un portrait d’une « homosexualité différente », loin des clichés des canons de beauté. Mais on sent rapidement une atmosphère étrange. Les journaux radio ou télévisés ne cessent de parler d’étrangers condamnés à quitter le pays, la musique nous plonge dans une ambiance de film presque expérimental et puis forcément il y a ce couple de « gros bonhommes » dépeint avec beaucoup de tendresse mais aussi très sexué (quand ils couchent ensemble ils disent qu’ils se « remettent les idées en place » – on devine un côté « jeu de rôle » dans leur sexualité).
On passe d’un quotidien (presque) ordinaire au film schizo. La tension monte, le spectateur s’égare, se perd en même temps que René. Il serait donc schizophrène, c’est la piste la plus tangible. Par exemple, il effectue des performances déguisées sans s’en rendre compte devant sa webcam. Il se perd, laisse son corps en roue libre. A un moment donné, René et Patrick vont à l’étranger. Ils croisent un ami qui leur parle des « réalités alternatives ». Et si dans notre monde cohabitaient plusieurs possibilités ? Un monde où d’un côté Hitler serait mort et un autre où il ne serait jamais tombé…Piste bizarre, à l’image d’un long-métrage jamais linéaire.
La demeure de René et Patrick contient un coin qui jadis était un dancing. L’endroit est désormais fantomatique à souhait. On remarquera le soin particulier accordé aux décors : plutôt grisâtres, en opposition avec les beaux et mystérieux paysages de Bretagne. Le béton opposé à la nature. On se sent à la fois dans un environnement futuriste et rétro, le film est tout à fait intemporel. Chacun pourra interpréter la fin comme bon lui semble, la démarche témoignant d’une certaine abstraction. On pourra tout de même deviner qu’il s’agit (entre autres) ici d’un portrait d’artiste. Tout artiste (et tout être humain) étant multiple, ayant une part de masculin et de féminin, de raison et de folie. Que se passerait-il si chacun libérait sa folie, libérait tous ses « moi » ? Des réponses se trouvent dans ce projet qui ne ressemble à aucun autre.
Film sorti en 2003 et disponible en VOD et DVD