FICTIONS LGBT
THE BUBBLE d’Eytan Fox : l’amour en plein conflit israélo-palestinien
Le film débute avec des journalistes tentant de filmer un barrage entre l’Israël et la Palestine. Des sujets comme celui-là, on en a vu dans les JT du monde entier. Utilisation de la caméra numérique pour montrer que l’on est bien dans le réel. Puis on bascule dans le film. Un homme peine à faire des fouilles aux palestiniens, ne semble pas comme les autres : il est plus émotif. Cet homme, c’est Noam (Ohad Knoller). Il vit un jour difficile mais banal dans ce barrage de l’enfer où le non respect est roi. Une femme accouche, elle perd son bébé, les palestiniens sont déchirés, les militaires restent froid. Dans la foule des palestiniens se trouve Ashraf (Yousef Sweid). Entre lui et Noam s’instaure un bref jeu de regards.
Quelques temps plus tard, Noam peut enfin rentrer à Tel Aviv et reprendre « une vie normale ». Là bas, il vit en colocation avec deux amis de longue date. Il y a Yali (Alon Friedman), gérant d’un bar restaurant, qui assume ouvertement son homosexualité et son goût pour les tenues colorées. Il y a aussi Lulu (Daniela Wircer), une jeune femme qui rêve de devenir styliste, de partir à New York ou à Paris et qui fantasme sur un rédacteur en chef de magazine. Les trois amis s’apprêtent à reprendre un quotidien joyeux et déconnecté de la réalité brutale du conflit israelo-palestinien avec lequel on les matraque à la télévision. Et puis un soir, voilà que le palestinien Ashraf (celui avec qui Noam avait échangé des regards) débarque chez eux. Il a retrouvé le portefeuille de Noam et vient le lui rapporter. On comprend bien que ce n’est qu’un prétexte. Très vite, une romance débute entre les deux garçons.
Les couples se créent, on s’amuse, on plaisante, on prend du plaisir. Mais combien de temps est-il possible de rester enfermé dans cette bulle magique ? Quand la réalité reprend le dessus, la chute peut s’avérer terrible…
Pendant tout son film, Eytan Fox alterne scènes amusantes et pleines de vie et scènes lourdes de sens et riches en émotion. On comprend rapidement les enjeux de ce long-métrage et les dangers auxquels se heurte chacun des personnages. La situation est complexe. Dans les rues de Tel Aviv, des jeunes gens distribuent des prospectus pour faire la promo d’une rave party en faveur de la paix. Certains se réjouissent à l’idée de danser et de tout oublier, d’autres rongés par la vengeance et la haine sont consternés par cette initiative. Noam et Ashraf s’aiment mais subissent chacun de leur côté des pressions, des discours désagréables sur les origines de l’autre.
Dès qu’il y a de la politique , il y a du conflit (Lulu qui milite pour la paix se retrouve elle-même plongée dans un conflit lorsqu’elle parle de politique avec une vieille dame dans la rue). Mais dès qu’il y a de l’amour, il y a de la liberté. La bulle dans laquelle sont installés les personnages vient des relations amicales et amoureuses très riches qui les encerclent. Fox parvient à filmer de purs moments de bonheur et de légèreté, touchés par la grâce. Les frissons sont nombreux, les sentiments décuplés pour les personnages comme pour le spectateur. Car la liberté ne parait jamais si belle que lorsqu’elle est menacée et l’amour ne parait jamais si fort et intense que lorsqu’il est impossible. Dès les premières minutes, on s’attache aux personnages et on a bien sûr envie qu’ils continuent toute leur vie à danser au clair de lune. Mais on connait la réalité, les attentats, les terroristes, la guerre. La menace est là et nous tient en haleine, nous place sur le fil. D’un moment à l’autre, on peut passer du rire aux larmes, submergé par une émotion incroyable.
The Bubble est une oeuvre à coeur ouvert et démonstrative, dans le bon sens du terme. Eytan Fox connait la formule magique pour susciter l’émotion et atteindre des sommets d’intensité. Il dresse le rêve de jeunes gens qui vivent sans tabous et dans le respect de l’autre face à un monde bloqué dans ses convictions vengeresses. Le final est à tomber : entre fatalité déchirante et espoir poétique. L’utilisation de la musique est intelligente, la réalisation est sobre, les acteurs sont juste sublimes, et le propos universel. Une des plus belles histoires d’amour gay sorties au début des années 2000.
Film sorti en 2007 et disponible en DVD et VOD