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MESSIAH, saison 1 : que croire ?
Presque sortie de nulle part, la série Messiah a fait grand bruit en ce début d’année 2020. Elle s’attaque avec recul et intelligence (et, avouons-le, un brin de provocation) au sujet de la foi dans notre société actuelle au bord du précipice entre catastrophes écologiques et attentats. Un show troublant, réflexif et haletant.
Il fait plier Daesh après une tempête de sable spectaculaire. Il sauve la vie d’une adolescente alors que s’abat un ouragan près d’une chapelle au Texas. Il marche sur l’eau et accumule les miracles. Lui, c’est Al Massih (Mehdi Dehbi), un nouveau messager qui entre Jérusalem et les Etats-Unis commence à faire beaucoup parler de lui. Les médias ont vite fait de l’ériger en figure incontournable des flashs infos et la population mondiale s’interroge sur ce personnage sorti de nulle part.
Eva Geller (Michelle Monaghan), agent de la CIA, suit de près cet homme qu’elle devine être très dangereux. A ses yeux, ce genre de personne capable de générer un culte n’augure rien de bon. Al Massih va devenir une véritable obsession pour elle : elle veut découvrir qui il est vraiment et stopper ce qui pourrait engendrer des conséquences dramatiques à l’échelle internationale. Mais alors qu’elle parvient petit à petit à récolter des informations sur ce supposé imposteur, ce dernier est rejoint par de plus en plus de fidèles persuadés que l’heure est peut-être venue pour Dieu de revenir sur Terre.
Une longue enquête et aventure commence et sur son chemin Eva va faire la connaissance d’Avrim Dahan (Tomer Sisley), un homme de main tourmenté et au passé trouble qui ne demande lui aussi qu’à faire tomber Al Massih alors que ce dernier lui a clairement fait comprendre qu’il connait le secret le plus dévastateur de sa vie…
Beaucoup de tension et de rebondissements dans cette première saison très bien ficelée et riche en nuances. Messiah dresse un portrait anxiogène de notre monde moderne où le chaos nous guette. Menaces de catastrophes écologiques, montée des extrêmes, retour du fanatisme religieux : les gens sont perdus, ont peur et cherchent du sens. Un nouveau Messie pourrait apaiser la population, à moins que cela ne se termine dans un bain de sang.
La dernière décennie écoulée fait franchement froid dans le dos. Aujourd’hui on ne fait plus confiance aux politiques et encore moins aux informations. Le mensonge est partout, on s’est habitué au faux. Il y a tellement de messages et d’infos, partout, tout le temps, qu’il n’y a plus de place que pour la pulsion. On se laisse submerger, on sent bien qu’on est possiblement manipulé, on a de plus en plus de mal à analyser, prendre du recul. Et la technologie ne fait qu’empirer les choses : si on ne fait plus forcément confiance aux mots, voilà que les images, ce que l’on voit, peut aussi être maintenant trafiqué / détourné.
La thématique de la foi est vaste et Messiah s’en empare en réussissant l’exploit de ne pas s’y casser les dents. Elle apporte de la nuance et du mystère à chacun de ses personnages. Elle montre la complexité d’hommes et de femmes dépassés par ce en quoi ils croient. Al Massih, on n’y croit pas, puis on doute, puis on ne doute plus, puis on doute à nouveau.
Au-delà de sa peinture sans concession d’un monde qui débloque et d’êtres humains complètement paumés, Messiah fait profondément réfléchir sur le lien à la religion. Et si de nos jours un véritable Messie apparaissait ? Pourrait-il être pris au sérieux ? Serait-il vraiment une bonne nouvelle pour des hommes et des femmes qui n’ont souvent pas su bien gérer l’arbitrage entre le Bien et le Mal ?
Très divertissante, servie par des comédiens au top (Mehdi Dehbi trouve là son premier grand rôle et est absolument fascinant), passionnante dans les questions qu’elle pose : Messiah hante le spectateur et ne finit plus de le faire cogiter.
Série produite en 2019 et disponible sur Netflix France