CINEMA
DARK WATERS de Todd Haynes : l’impunité des puissants
Todd Haynes adopte un style étonnamment réaliste avec Dark Waters, récit édifiant d’un avocat humaniste qui va faire de sa vie un combat contre un géant de l’industrie chimique. Adapté d’une histoire vraie.
Fin des années 1990. Robert Bilott (Mark Ruffalo) est un des bons éléments de son cabinet d’avocats, spécialisé dans la défense des industries chimiques. Un jour débarque dans son bureau Wilbur Tennant (Bill Camp), un fermier qui connait de loin sa grand-mère. Tennant a sous le bras une collection de VHS prouvant selon lui que le groupe chimique DuPont déverse près de sa ferme des produits toxiques. Dans un premier temps, Robert n’a pas envie de se plonger dans un cas pareil : ça n’est pas sa spécialité et il prend un peu Tennant pour un vieux fou. Mais la curiosité de l’avocat est piqué et quand il va voir sa grand-mère, son besoin d’essayer d’oeuvrer pour le Bien plutôt que de défendre cyniquement des géants de l’industrie refait surface. Surtout, il se rend compte que Tennant est loin de mentir. Il se passe définitivement quelque chose de louche dans la campagne de son enfance.
Parvenant à convaincre son cabinet de le laisser travailler sur l’affaire, Robert s’entraîne sans le savoir dans une affaire qui va largement le dépasser. Il découvre en effet petit à petit que non seulement DuPont déverse des produits toxiques mais qu’en plus la société empoisonne non seulement les habitants de sa ville natale mais toute une partie des Etats-Unis en toute impunité ! Un long bras de fer commence, s’étalant sur plus d’une décennie… et toujours pas bouclé aujourd’hui.
C’est une histoire qui fait froid dans le dos et qui rend un peu parano. Ou comment des géants de groupes chimiques empoisonnent des populations délibérément car ils refusent de faire une croix sur leurs énormes profits. Quand le chiffre d’affaires dépasse le milliard, que l’argent est presque infini, la corruption n’a plus de limite.
Todd Haynes s’attaque à un film engagé, humaniste, aux tons très réalistes et gris. Ça ne lui ressemble pas mais cela lui va bien et il arrive à nous captiver à travers cette histoire vraie (toujours tristement d’actualité) en forme de David contre Goliath. C’est peu dire que l’ensemble est révoltant et témoigne d’un monde qui ne tourne pas rond. Face à des gens richissimes qui ont perdu la raison et mettent en danger la santé des humains sans état d’âme, personne ne semble capable de faire quoi que ça. Le gouvernement est muselé, la loi titube et ne remplit pas son rôle, les process sont interminables. Tout est fait pour décourager les victimes et ceux qui les représentent et pendant plus d’une décennie on voit des gens honnêtes et dans leur bon droit se faire mener du bout du nez, manipuler, piétiner. Forcément, pour un avocat il est encore plus dur d’admettre que l’on évolue dans un monde complètement injuste.
Si cinématographiquement parlant le film est assez académique et ne fait pas de vagues, son sujet nous tient largement en haleine et Mark Ruffalo met tout son talent au service du portrait d’un homme admirable qui ne lâche rien jusqu’à se mettre lui-même en danger.
Film sorti le 26 février 2020