CINEMA

MAÎTRESSE de Barbet Schroeder : l’abandon

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Olivier (Gérard Depardieu) et un de ses amis fouineurs passent leur temps à trainer et essayer de vendre des livres par le biais du porte à porte. Une activité qui permet de plus ou moins violer l’intimité des gens. Un jour, ils débarquent dans la demeure d’Ariane (Bulle Ogier), une belle jeune femme aux cheveux blonds qui a un problème avec sa baignoire. De bonne volonté, les deux garçons l’aident à résoudre son soucis. Elle leur achète avec plaisir leurs livres et dans la conversation glisse que la personne habitant l’appartement d’en dessous s’est absentée. 

Cambrioleurs amateurs à leurs heures perdues, les deux amis vont décider de piller le lieu le soir venu. Mais alors qu’ils découvrent un appartement peuplé d’objets étranges et fétichistes ils sont surpris par un chien de garde. C’est alors qu’apparait à l’écran un mystérieux escalier duquel descend Ariane. Elle attache les brigands puis détache Olivier pour lui demander un petit service. Ariane est en fait une dominatrice et reçoit dans son appartement sous-terrain des clients qui désirent être dominés et humiliés. Intrigué par cette femme ambivalente et ses pratiques, Olivier va l’inviter à diner. Ils vont ensemble entamer une relation amoureuse qui va permettre au garçon de découvrir le monde du sado-masochisme.

maitresse barbet schroeder

Le choix de Bulle Ogier dans le rôle de la dominatrice est tout à fait judicieux, l’actrice incarnant une grande douceur dans l’esprit du spectateur. Et le personnage d’Ariane, dans la vie de tous les jours, est justement particulièrement doux et équilibré. Il en va de même pour ses clients avec qui elle entretient parfois des relations d’amitié avant ou après les séances de domination. Barbet Schroeder nous entraine au milieu de ces pratiques souvent « cachées » et les filme de façon quasi-documentaire.

Par le regard d’Olivier, nous découvrons une autre sexualité, filmée sans être jugée et en totale liberté. Rares sont les oeuvres au cinéma disposant de scènes aussi explicites et assumées dans leur crudité (vive les années 1970 !). Le réalisateur réussit l’ambitieux pari de rendre les passages de la vie de tous les jours tout aussi passionnants que les scènes sexuelles. Car à l’écran se créé une très belle romance entre deux personnages émouvants, loin de la bonne morale. Bulle Ogier apporte toute sa force et son charme au personnage d’Ariane, femme de coeur qui prend du plaisir avec ses soumis mais parfois risque de s’y perdre (Où est la limite de ces pratiques? Jusqu’où peut-on jouer, aller dans l’humilitaion et la violence psychologique ?). Schroeder nous dévoile le monde de l’inconscient, les bas fonds du désir (là où nous mène cet imposant escalier), le fétichisme comme exutoire. Violent, intrigant, sensuel, sensible : un film d’une rare intensité qui suscite une curiosité toujours aussi vive des décennies après son passage en salles. Culte.

P.S. Pour anecdote, les soumis du film sont pour la plupart de vrais soumis, hérités d’une dominatrice amie du réalisateur !

Film sorti en 1975 et disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3