FICTIONS LGBT
PIÈGE MORTEL de Sidney Lumet : soif de succès
La soif de succès et d’argent rend complètement fou dans Piège Mortel, adaptation par Sidney Lumet d’une pièce de Broadway qui oscille entre thriller et farce de façon aussi haletante que jubilatoire.
Sidney Bruhl (Michael Caine) a connu le succès avec ses premières pièces qui ont cartonné aussi bien auprès de la critique que du public. Mais voilà que sa dernière création fait un bide retentissant, au point de lui faire craindre que sa carrière ne s’arrête. Il rentre particulièrement dépité dans sa maison isolée des East Hampton où l’attend sa femme Myra (Dyan Cannon). Cette dernière essaie de lui remonter le moral mais rien n’y fait.
L’auteur est on ne peut plus abattu qu’il vient de recevoir le script d’un ancien élève dont il ne se souvient pas vraiment mais qui dit l’admirer, Clifford Anderson (Christopher Reeve). Et ce script est absolument génial et le rend terriblement jaloux : il ne supporte pas l’idée qu’un amateur puisse aujourd’hui avoir plus de talent que lui et lui voler la vedette. Convaincu qu’avec sa pièce, intitulée « Piège Mortel », Clifford connaîtra un succès retentissant, il sombre dans une certaine folie et élabore devant son épouse un plan machiavélique.
Apprenant que Clifford n’a parlé et n’a fait lire son scénario à personne d’autre et qu’il n’a plus de famille, Sidney voit là une aubaine. Il entend l’inviter chez lui et lui tendre un piège, l’assassiner pour voler son script et se l’approprier. Sa femme est forcément contre mais rien ne semble arrêter le dramaturge. Quand Clifford arrive dans la maison, l’atmosphère est étrange et tendue. Les choses vont sérieusement dégénérer mais attention : dans les environs rode la fantasque et rusée Helga Ten Dorp (Irene Wolth), une medium qui sent l’odeur du crime arriver…
Il n’est jamais évident de réussir un film qui embrasse deux genres en même temps, surtout quand ils provoquent des émotions à priori opposées. Avec Piège Mortel, Sidney Lumet mêle le thriller bien huilé et franchement machiavélique et tordu et la comédie. Le tout avec des références assez évidentes à Hitchcock qui est par ailleurs cité. Sidney Lumet est loin d’être un amateur, c’est plutôt tout le contraire, et il délivre ici une oeuvre barrée, hystérique, complètement jubilatoire.
Tous les protagonistes ont une part de folie mais celle de certains va vite s’avérer plus vénéneuse que d’autres. Il y a de vrais gros passages de comédie, notamment au début avec le personnage survolté de Myra, l’épouse, campé par une Dyan Cannon qui en fait joyeusement des tonnes. Le personnage d’Helga Ten Dorp est également des plus savoureux. Les deux hommes, Sidney et Clifford, s’emportent pour leur part dans un bras de fer plein de surprises et délicieusement pervers.
Avec beaucoup de malice, Sidney Lumet raconte ici la situation désemparé d’un artiste qui connait l’échec et qui est prêt à tout pour être à nouveau dans la lumière. Il s’amuse tout le métrage durant à brouiller les pistes entre réalité et fiction jusqu’à donner au spectateur à certains moments l’impression de ne plus du tout savoir où il en est. Si Michael Caine est bon comme il sait l’être, la surprise vient ici de Chistopher Reeve, absolument génial en jeune homme au sourire carnassier moins lisse qu’il n’en a l’air.
Spoiler. L’un des gros rebondissements du film est la découverte de l’homosexualité du personnage principal qui se retrouve pris dans les filets du jeune Clifford, aussi séduisant que manipulateur voire franchement sociopathe. Un drôle de couple qui fait par moments penser à une version plus libre, franche et folle de « La corde » de Hitchcock.
Film sorti en 1983. Disponible en VOD