CINEMA
PAULINE DÉTECTIVE de Marc Fitoussi : jeux d’enfants
Pauline (Sandrine Kiberlain) est rédactrice en chef au Nouveau Détective. Son égo en prend un coup quand son petit ami la plaque pour aller avec une autre. Pour la consoler, sa sœur Jeanne (Audrey Lamy), starlette d’un feuilleton hexagonal, l’entraîne avec elle et son mari Wilfried (Antoine Chappey) en vacances sur la riviera italienne.
Arrivée à destination, Pauline déchante : elle apprend qu’elle va devoir passer la première nuit de son séjour en partageant sa chambre. Sa compagne d’infortune est Mademoiselle Blanchot (Michèle Moretti), une vieille femme seule, écrivaine n’étant jamais parvenue à faire publier un de ses romans. Après une nuit passée en sa compagnie, entre questions indiscrètes et ronflements, Pauline est ravie de finir par obtenir sa propre suite.
Mais quelques jours plus tard, elle découvre que Mademoiselle Blanchot a disparu. Pire encore : elle serait morte. Persuadée qu’il s’agit d’un crime, la journaliste enquête discrètement, entraînant dans ses délires le beau maître-nageur de l’hôtel, Simone (Claudio Santamaria)…
Après lui avoir offert le rôle d’une actrice ratée aussi drôle, pathétique, qu’attachante dans son premier long-métrage, La vie d’artiste, Marc Fitoussi retrouve Sandrine Kiberlain dans Pauline détective, curieux objet cinématographique entre comédie moderne, parodie et whodunit. Le film s’ouvre sur le personnage titre, mettant un terme à ses séances chez le psy, s’estimant bien dans ses pompes, épanouie. Sa façon de réciter la mélodie du bonheur la trahit d’avance. Quelques minutes plus tard, elle se fait larguer par son amoureux. Cette rupture sentimentale, amenée furtivement, sera pourtant une des grandes clés du film. Comment se remettre d’un amour déçu ? La sœur Jeanne propose des vacances ensoleillées, loin de l’ex infidèle et des histoires de bébés congelés mais Pauline voit des crimes potentiels partout. Sa curiosité morbide n’a plus de limite, elle apparaît ravie lorsqu’elle entend qu’un serial killer sévit dans les environs. Et quand elle soupçonne quelqu’un de l’hôtel d’avoir assassiné Mademoiselle Blanchot, c’est comme si elle revenait à la vie.
Farniente, vacances : non merci ! Pour oublier ses peines de cœur, Pauline a besoin de jouer. Comme une enfant, inspirée par les faits divers de son magazine, elle s’improvise détective et entend bien résoudre les mystères du coin. Elle entraîne dans ses jeux et suspicions absurdes le beau Simone, avec lequel elle entretient dès les premiers instants une relation aussi immature qu’explosive. Se lancer dans une enquête, dans un jeu de piste, de séduction ou bien jouer un rôle. Chaque personnage se donne une consistance, se met en scène pour cacher des plaies douloureuses (Pauline aime prendre ses airs de gamine prétentieuse mais n’est dans le fond qu’une femme très amochée par une rupture sentimentale), Simone se plaît à cultiver son image de rital séducteur et un peu odieux (il est pourtant en plein divorce et ne le vit pas très bien), Jeanne se prend pour une grande star (mais, dans le fond, a surtout peur de disparaître des écrans et de n’être qu’une actrice de seconde zone), Wilfried entretient son rôle de mari et beau-frère dévoué (mais songe sérieusement depuis un moment à prendre le large). Comme toujours, Marc Fitoussi livre un film faussement futile où l’humour, tantôt léger, tantôt noir, masque des sentiments plus complexes. Et on retrouve le goût du cinéaste pour les paumés (filmés avec beaucoup de tendresse, à l’image d’une scène étonnamment émouvante durant laquelle Jeanne se voit non sans émotion sur un écran de la télévision italienne).
Alors que tout le monde fait semblant, se ment, les vacances battent leur plein. Avec beaucoup de drôlerie, le film tourne en dérision les séjours dans les grands hôtels. La guerre le matin pour avoir son transat, les habitués pointilleux et obsédés par le menu du jour, les soirées kitsch : tout y passe. Aux préoccupations superficielles, entre deux cocktails, s’oppose l’enquête de Pauline, qui n’a définitivement pas peur du ridicule. Les fausses pistes s’enchaînent de façon jouissive tandis que les dialogues finement écrits, parfaitement rythmés, s’allient à une réalisation d’une impressionnante minutie. Décors de rêves, costumes et accessoires somptueux et joliment assortis (des tenues glamour de Pauline aux maillots de Simone, tout est un régal pour les yeux), plans pop en diable évoquant parfois l’univers du cartoon : sous ses airs de ne pas y toucher, Pauline détective est une œuvre de cinéma visuellement très maîtrisée, bien plus ambitieuse qu’elle n’y paraît.
Si l’intrigue multiplie les rebondissements farfelus, il émane de son fragile équilibre une véritable grâce, amplifiée par l’interprétation des comédiens, Sandrine Kiberlain en tête. Elle en fait des tonnes et elle est géniale, plus belle et attachante que jamais. Au delà des apparences, les jeux d’enfants auxquels se livrent les protagonistes, pour sauver les autres ou se sauver eux-mêmes, ont quelque chose de vraiment émouvant à posteriori. Un film décalé et futé.
Film sorti en 2012 et disponible en VOD