FICTIONS LGBT
LES INVISIBLES de Sébastien Lifshitz : victoire de l’amour
Le réalisateur Sébastien Lifshitz est allé à la rencontre d’hommes et de femmes nés dans l’entre-deux-guerres et ayant pour point commun d’être homosexuels. C’est donc une homosexualité comme on la voit peu souvent qui est montrée à l’écran, riche en récits de personnes âgées racontant entre émotion et malice les souvenirs d’un combat pour assumer leur nature profonde. Si aujourd’hui le coming out s’apparente moins à un chemin de croix, notamment dans les grandes villes, cela est loin d’avoir toujours été le cas. Le film revient sur cette période où l’homosexualité était considérée comme une maladie, une perversion qu’il était conseillé d’aller soigner chez un psy. A une époque où les hommes et les femmes étaient formatés pour marcher droit, se marier et fonder une famille, se découvrir une attirance pour une personne du même sexe était un drame en soi.
Une femme raconte face caméra comment elle s’est retrouvée à se marier alors qu’elle ignorait presque tout de la vie de couple, du devoir conjugal. Un homme avoue, ému, avoir la sensation d’être passé à côté de sa jeunesse, censurant et réprimant des désirs synonymes de honte. Heureusement, malgré une société moralisatrice et castratrice, dans laquelle le divorce était un scandale, où les femmes étaient tenues de rester dans leur rôle d’épouse et de mère sans broncher, où l’avortement n’était pas toléré, des hommes et des femmes ont tout de même réussi à goûter au plaisir et à l’amour.
Le documentaire alterne luttes personnelles et histoires d’amour. Le politique et l’individuel s’estompent ainsi pour laisser place à des portraits de couples d’hommes et de femmes dont l’amour a survécu à l’épreuve du temps. Un amour filmé dans sa quotidienneté, entre pudeur et humour. L’occasion de montrer ces homosexuel(le)s de la campagne ,« invisibles », loin des clichés d’une homosexualité hyper sexualisée. En couple ou seuls, chaque intervenant donne l’impression d’avoir gagné un pénible combat et respire la liberté.
Le montage est classique, la forme plutôt jolie et le propos, plein d’humanisme, ne peut que susciter l’adhésion (à moins d’être un religieux intégriste élevé dans la haine de la différence). Bref, un film qui fait du bien.
Film sorti en 2012 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen