CINEMA
LOLA MONTÈS de Max Ophüls : la liberté a un prix
Le directeur d’un cirque (Peter Ustinov) s’agite, annonce un spectacle qui n’est rien d’autre que la vérité. La vérité sur la vie de la plus scandaleuse des courtisanes : Lola Montès (Martine Carol). La belle a fait tourné la tête des hommes les plus brillants, riches, influents du monde et se retrouve aujourd’hui sous le chapiteau pour participer à la représentation de sa vie en plusieurs tableaux.
Un spectacle vertigineux, dangereux, pour cette femme de caractère qui semble aujourd’hui à bout. On murmure qu’elle est malade, le médecin s’inquiète pour un numéro de trapèze : et si Lola perdait la vie avec cette représentation de trop ? Alors que les tableaux s’enchainent, nous replongeons dans les moments phares de cette existence menée sous le signe de la liberté…
Film maudit de Max Ophüls, descendu par la critique lors de sa sortie en 1955 (quelques temps plus tard le réalisateur se retirera de la scène publique et mourra) , Lola Montès est pourtant aujourd’hui considéré comme un des plus grands chef d’œuvres du cinéma. Le réalisateur nous offre un magnifique spectacle fait de couleurs éclatantes, de plans séquences prodigieux et de scènes s’apparentant à de véritables tableaux. L’ensemble est féérique, émerveille constamment bien que le propos soit au final plus qu’amer. C’est ce qui fait le charme incroyable de cette œuvre : nous transporter, nous faire rêver, assurer le spectacle, alors que tout est incroyablement tragique.
Lola était une fille comme les autres. Son père mourut, sa mère essaya de la marier avec un riche vieillard. Encore introvertie, peu sûre d’elle, la jeune femme décidera de prendre les choses en main. Las d’être une victime, de se laisser dicter sa conduite, elle décidera que rien ne lui est plus interdit. Lola Montès va ainsi devenir celle qui ose tout, qui défie toutes les convenances et ne recule devant rien pour obtenir ce qu’elle veut. Blasée, insaisissable, scandaleuse : elle ira d’amants en amants tout en poursuivant son objectif de devenir une grande danseuse. Mais les gens qui se presseront à ses spectacles viendront avant tout pour admirer sa beauté, pour voir celle dont les frasques suscitent toutes les curiosités.
Martine Carol campe à merveille cette femme courageuse et sulfureuse, admirée et conspuée pour la liberté qu’elle incarne. Mais la liberté, on la fait souvent payer. Alors qu’elle se pose un peu dans les bras du roi de Bavière, Lola est menacée de mort. Elle s’en tirera grâce à un jeune prétendant qui lui proposera « une vie simple ». Ce qu’elle refusera. Elle préfèrera finir dans un cirque à rejouer inlassablement cette vie audacieuse mais ô combien épuisante. Le film oppose les passages dans le cirque avec la représentation qui pourrait lui couter la vie à son existence passée. Au cirque, elle titube, elle n’est plus qu’une pauvre marionnette. Dans les souvenirs, elle reste l’incarnation de la jeunesse et de la liberté.
Mine de rien, Lola Montès est aussi et surtout l’histoire du temps qui passe, du temps qui déforme les icônes. Les belles robes ne sont désormais plus que des déguisements, les baisers se marchandent un dollar à la fin du spectacle (terrible image de Lola dans la cage aux fauves, les mains tendues pour qu’on les baise)…Ophüls adapte avec brio l’œuvre de Cécil Saint-Laurent, délivre à la fois un spectacle extrêmement divertissant, formellement sidérant de maitrise et émotionnellement très fort. Un chef d’œuvre inoubliable.
Film sorti en 1955 et disponible en VOD