FICTIONS LGBT
ALL YOU NEED , série gay allemande : amours compliqués à Berlin
Créée et réalisée par Benjamin Gutsche, All you need est une série sentimentale à thématique gay qui suit deux meilleurs amis confrontés aux montagnes russes de l’amour. Une fiction au ton particulier et plus sombre qu’elle n’en a l’air.
Berlin. Vince (Benito Bause, vu dans la série Neumatt) et Levo (Arash Marandi, découvert dans le film Luciernagas) sont meilleurs amis et colocataires. Leur quotidien s’apprête à changer : Levo va quitter la coloc pour s’installer chez son nouveau petit ami Tom (Mads Hjulmand), un ancien homme marié qui vient de quitter sa femme pour se mettre officiellement en couple avec lui. Pour Vince, ce départ n’est pas des plus réjouissants, Levo étant l’une des personnes les plus importantes de sa vie. Célibataire endurci, habitué aux plans d’un soir, il n’a jamais vraiment eu de relation stable.
La veille du déménagement de Levo, les deux meilleurs amis sortent en boite. Vince s’y fait draguer par un beau blond assez direct, Robbie (Frédéric Brossier). Après une étreinte enflammée dans les toilettes, les garçons vont petit à petit faire connaissance et contre toute attente va s’esquisser un début d’histoire d’amour. Mais trouvé l’être aimé n’est pas forcément de tout repos et c’est un peu le sujet de cette série.
« All you need », « Tout ce dont tu as besoin » en français : le titre de la fiction, nous renvoie au fil des épisodes à la difficulté des personnages à se stabiliser une fois qu’ils ont trouvé ce dont ils rêvaient. Si chaque épisode propage des petites scènes de couple mignonnes et sexy, il y a en permanence de la tension dans l’air, comme une force invisible, nocive et menaçante.
Vince, habitué aux plans éphémères, arrivera-t-il à vraiment à s’engager et à ne pas céder aux tentations qui se présenteront à lui ? Que cache Robbie, qui derrière ses airs de blond bogosse a aussi un gros tempérament de bad boy qui a du mal à garder son sang froid et dont il est fréquemment insinué qu’il dissimule un passé problématique ? Ayant été l’amant en pensant qu’il n’obtiendrait jamais plus, Levo va-t-il réussir à trouver sa place dans un quotidien de couple avec le jusqu’ici hétéronormé Tom qui l’accueille dans la maison où il vivait avec sa femme (avec un voisinage pas franchement friendly dans les parages) ? Le même Tom ,après une vie à refouler son homosexualité ou à la vivre clandestinement, va-t-il facilement trouver ses marques au sein de son premier couple avec un homme ?
C’est quelque chose dont on parle peu mais quand l’on est en couple il y a certes beaucoup d’avantages et de bonheur mais il peut aussi y avoir des doutes. Peut-on vraiment faire totalement confiance ? Y a-t-il des chances que l’autre nous blesse et nous trahisse ? On peut facilement être mis à l’épreuve, tenté. Derrière l’image lisse du couple heureux, des désirs refoulés, des frustrations qu’on n’ose pas toujours exprimer, une ambivalence qui nous compose et qu’on n’ose pas forcément regarder en face.
Pas du tout la série romantique et feel good qu’elle semble être au premier coup d’oeil, All you need distille un certain trouble progressivement, dévoilant des personnages bien plus faillibles qu’ils n’en ont l’air. Chacun a sa part d’ombre, ses démons, ses pulsions qu’il gère plus ou moins bien.
En faisant le pari de ne pas montrer ses personnages sous leur meilleur jour mais dans toute leur complexité et parfois noirceur, la série n’est pas franchement confortable et peut renvoyer à des choses auxquelles on n’a pas envie de penser. C’est ce qui lui attirera des détracteurs (clairement elle ne renvoie pas une très chouette image des relations entre mecs) et c’est ce qui en fait aussi son intérêt.
Le fait que l’action se situe à Berlin pouvait nous laisser espérer un ensemble très destroy et kinky. De ce côté, petite déception car on ne retrouve pas forcément toute la fureur et l’excès des nuits berlinoises. Mais ce serait vraiment faire la fine bouche de dire qu’elle n’est pas sexy. Il y a de belles scènes d’intimité et le cast est très glamour (ici coup de coeur spécial pour le bad boy Robbie et surtout pour le daddy Tom, véritable bombe qui par son magnétisme jette un trouble sur toute la série du début à la fin).
Pour en revenir au « All you need » du titre, il peut aussi renvoyer au goût amer d’une homosexualité qu’on pense banalisée dans une ville comme Berlin ou ses environs alors que tout n’est pas franchement si évident. Vince, le personnage principal, a par exemple parfois du mal à tenir la main ou embrasser son copain dans la rue dans certains quartiers. C’est encore le cas dans de nombreuses grandes villes, ça peut paraitre comme un petit détail mais cela dit beaucoup de choses sur le fait que tout n’est pas gagné. Le personnage de Levo va être confronté à un voisinage pas vraiment chaleureux et ouvert d’esprit, en plus d’avoir un père vieux jeu. La série aborde aussi la question des « minorités dans la minorité », Vince étant un jeune homme noir qui a été (et continue d’être) confronté à des commentaires et situations racistes, et Levo essuyant partiellement des remarques sur sa personnalité un peu efféminée.
Sans avoir trop l’air d’y toucher, All you need met le doigt sur des sujets et des émotions qui fâchent. Le résultat est hybride, parfois instable, et a le mérite d’imposer son propre ton. Une saison 2 a déjà été diffusée en Allemagne.
Saison 1 diffusée en juin 2022 sur Mycanal