FICTIONS LGBT
COEUR ERRANT (Errante corazón) de Leonardo Brzezicki : papa gay à vif
Deuxième long-métrage du réalisateur argentin Leonardo Brzezicki, Coeur errant ( Errante corazón en VO et Wandering Heart pour le titre international) suit un un papa gay à un tournant de sa vie alors que sa fille adolescente se prépare à voler de ses propres ailes. Une oeuvre intimiste et touchante, très joliment interprétée par le beau Leonardo Sbaraglia.
Santiago (Leonardo Sbaraglia) est un beau daddy gay, chef cuisinier, papa d’une adolescente qu’il a élevé seul. L’une des premières scènes du film le montre au coeur d’une soirée orgiaque en appartement. Passés la séduction et l’amusement, Santiago dévoile déjà des failles alors qu’il retrouve une vieille connaissance. Il ne sait pas vraiment où il en est dans sa vie, se questionne sur son futur et la crise de la cinquantaine ne semble pas loin.
Charmeur, passionnel, immature et incorrigible, Santiago a à l’évidence un goût assez prononcé pour l’auto destruction. Très impulsif, il n’en fait souvent qu’à sa tête et une fois qu’il réalise qu’il a mal fait il est peut être déjà trop tard. Quand on arrive vers la cinquantaine, la tentation de faire un bilan est souvent là. On dit définitivement au revoir à la jeunesse, on se demande si les plus belles années de sa vie ne sont pas déjà derrière soi, on se demande ce qu’on a vraiment construit, ce qu’on a réussi … et on doit aussi se confronter à ses échecs et à ses regrets. C’est aussi un âge où l’on réalise que rien n’est éternel, où le sentiment de perte peut nous frapper et nous dévaster.
Très complice avec sa fille Laila (Miranda de la Serna), Santiago partage avec elle une relation intense, avec autant d’amour et de hauts que de conflits et de bas. Il est à la fois le papa et l’ami et cela peut rendre les choses électriques. Définitivement pas un papa comme les autres, le chef cuisinier ne protège pas sa fille et se montre nature devant elle, parfois brisé ou défoncé. Un papa homme enfant vulnérable et exalté terriblement attachant mais aussi parfois pesant.
Dans les échecs récents dans la vie de Santiago il y a définitivement la perte de son dernier grand amour Luis (Alberto Ajaka) qu’il a fini par épuiser jusqu’à l’irréparable.
Le réalisateur Leonardo Brzezicki délivre ici un « film portrait », ne quittant jamais son personnage principal charismatique et à vif. Santiago est tour à tour magnétique, séduisant, touchant, drôle, fatigant, pathétique. Un portrait d’homme gay en crise qui nous rappelle si besoin était qu’on peut être adulte et largué dans l’existence comme un ado. Pour s’extirper du vertige et possible vide de son quotidien, Santiago se perd dans les plaisirs éphémères et les substances. Entre l’Argentine et un voyage au Brésil, il teste les limites de ses proches et les siennes. Un récit d’errance avec pour subtile toile de fond une séparation inacceptable pour notre bel anti-héros : Santiago a bien du mal à composer avec l’idée que sa fille ait grandi et qu’elle va quoi qu’il arrive finir un jour par quitter le nid familial, le laissant seul face à lui-même. Inconsolable avant l’heure, il essaie de trouver l’amour et le réconfort là où il peut mais son tempérament turbulent l’amène souvent à faire tout de travers ou à chercher du mauvais côté.
L’oeuvre est intimiste, au plus près d’émotions très personnelles, s’appuie sur une mise en scène sensorielle et une belle photographie. Evidemment le charme de ce type de film repose beaucoup sur les épaules de ses interprètes. Dans le rôle principal du coeur errant, Leonardo Sbaraglia (qui avait marqué les cinéphiles gays dans le culte Vies brûlées et plus récemment dans Douleur et Gloire) est parfait. Une interprétation riche en nuances et hyper sensible qui marque.
Sortie en salles le 5 avril 2023
Film produit en 2022 et présenté au Festival Chéries Chéris 2022