COURTS
FRIOUL de Antoine Vazquez et Lazarus Lazare : jeux de garçons
Comme son titre l’indique, le court-métrage FRIOUL nous entraîne au sein des îles Frioul où deux garçons incarnés par Lazare Lazarus et Giorgio Battura se rendent pour un moment hors du temps. Tous les deux sont un peu nerveux, ils s’apprêtent à se filmer en train de partager l’un de leurs jeux.
Lazarus et Giorgio sont amants, il y a une complicité et une tendresse évidente entre eux et ils ont la même attraction, le même désir, pour des jeux BDSM entre garçons. Le film les suit lors de deux voyages / sessions sur les îles, en avril et en septembre. A chaque fois ce qui précède le rapport a quelque chose d’un peu mignon, d’hésitant, de tendre, nous rappelant qu’au-delà des codes du genre il y a deux êtres humains, deux sensibilités qui se rencontrent, deux âmes qui connectent et fusionnent.
FRIOUL joue sur l’économie de mots et laisse le spectateur libre de se faire sa propre expérience face à ce qui lui est montré. Les rapports entre Lazarus et Giorgio sont intenses, peuvent jouer avec nos limites et nos tabous, mais étrangement ce que l’on retient de l’ensemble c’est autre chose. C’est le son, poétique, amenant au lâcher prise. Les regards qui expriment la profondeur des sensations et de l’abandon. L’expression d’un BDSM sans folklore au coeur de la nature, dans un décor qui a quelque chose de bucolique, sauvage, libre, gratuit.
A des années lumières de toutes les représentations du BDSM gay vu jusqu’alors sur nos écrans, ici pas de caricatures de « Master Domi » ou de soumis tout docile et asservi. Plutôt un échange (Giorgio n’hésite pas à résister un peu, à contredire, à doucement saper l’autorité de celui qui va le dominer). Pas d’accessoires (du moins pas industriel) non plus ou d’atmosphère sombre ou nocturne. On est en pleine lumière, au soleil, sans musique lubrique. Le vent, les oiseaux, les vagues, constituent la bande-originale. Et derrière les coups, l’attrait de la douleur, il y a cette tendresse. Lazarus et Giorgio apparaissent comme deux éternels petits garçons qui jouent à des jeux au-delà du monde et de la morale, avec leurs codes et leurs envies à eux. Ils se sont trouvés dans cet espace doux qu’ils tracent ensemble, ils vivent ce moment suspendu et le partagent avec nous avec cet aspect brut, aérien, hédoniste.
Rarement aura émané autant de tendresse et de douceur, de simplicité, d’un film sur cet univers BDSM si souvent objet de clichés et à prioris. A la réalisation, Antoine Vazquez et Lazarus Lazare, en toute modestie, composent de très jolis plans, témoignent d’un sens inné du cinéma. Et à l’écran, le charme de Giorgio Battura fait son effet. Phrasé rohmérien, regard doux, vif, intelligent, profond (d’une profondeur semblant sans fond serait-on tentés d’écrire) : il est un monde à lui seul avec son charme tout singulier et sa dévorante vulnérabilité qui fait vibrer chaque séquence un peu plus fort.
Film produit en 2022 et présenté au Porn Film Festival Berlin 2023