FICTIONS LGBT
MAPPLETHORPE de Ondi Timoner : à la découverte du photographe
Biopic jamais sorti en salles en France, Mapplethorpe s’essaie à l’exercice périlleux de dresser le portrait de l’iconique et subversif photographe Robert Mapplethorpe. Si les connaisseurs pourront lever les yeux au ciel en raison d’un résultat forcément lisse comparé à son oeuvre, le film permet joliment d’introduire à son univers.
L’oeuvre commence alors que Robert Mapplethorpe (Matt Smith) débarque à New York, des rêves de grandeur plein la tête. Sans le sou, ne pouvant compter sur sa famille bigote qui ne cautionne pas ses aspirations artistiques, il est convaincu qu’il peut créer quelque chose de signifiant et espère accéder à la postérité. Il se lie rapidement à une autre jeune artiste, Patti Smith (Marianne Rendón), avec laquelle il entame une relation amoureuse avant d’emménager avec elle dans une petite piaule.
Dessinant, aimant s’adonner à des collages, le jeune Robert finit par se mettre vraiment à la photographie quand la fortunée, influente et connaisseuse d’arts Sandy Daley (Tina Benko) lui offre un appareil Polaroïd. Là, il expérimente : il photographie Patti, s’essaie à l’auto portrait, capture des images de fleurs, de vêtements… Et puis il se rend compte que l’inspiration se fait plus dévorante et intense quand passent devant son objectif de beaux hommes… Jusqu’alors, il n’embrassait pas vraiment au grand jour son attirance pour la gent masculine mais un déclic se passe à travers la photo. Patti le quitte et il poursuit son travail, rapidement attiré par des mises en scènes au fort pouvoir érotique qui lui vaudront d’être considéré par beaucoup au début comme un simple pornographe.
Les galeries lui ferment leurs portes, il n’est pas aisé pour lui de se faire sa place malgré son talent que certaines personnes importantes entrevoient. Mapplethorpe a toutefois la chance de faire de bonnes rencontres. Après Sandy Daley qui lui a offert un Polaroïd, c’est Sam Wagstaff (John Benjamin Hickey), qui va devenir son compagnon, qui lui offre un Hasselblad moyen format tout en lui donnant accès à un studio et en le présentant à beaucoup de monde.
Petit à petit, Mapplethorpe intrigue, fascine et commence à vendre des photos, à être exposé et à graviter dans des sphères privilégiées. Il collabore avec le magazine Interview, voit des stars poser pour lui autant que des anonymes ou des modèles pornos. Il se passionne pour les pratiques extrêmes, les images choc, la scène BDSM gay et goûte aux nuits excessives entre drogues et orgies.
Son petit frère Edward (Brandon Sklenar) refait surface dans sa vie, lui aussi passionné de photographie et espérant pouvoir graviter dans son univers et apprendre à ses côtés – ce qui ne sera pas aisé, Mapplethorpe entretenant un lien compliqué avec sa famille et n’étant visiblement pas très enclin à aider son pourtant très doux frangin.
Alors que les portes du succès s’ouvriront en grand, réalisant tous les rêves et espoirs de l’artiste, les années 1980 et l’arrivée du Sida auront raison de ce photographe libre, mourant âgé seulement d’une petite quarantaine d’années.
Si comme très souvent avec les biopics on est face ici à un certain lissage, le film de Ondi Timoner nous laisse tout de même (re)découvrir de nombreuses oeuvres cultes du photographe tout en préservant une part de mystère. Les photographies ne sont heureusement pas censurées, il y a donc pas mal de nudité même si évidemment le film ne montre pas les créations les plus crues ou choquantes. Si on aurait aimé en voir plus sur l’amitié de Mapplethorpe et Patti Smith (qui pour le coup est ici très très lisse), le métrage n’hésite pas à montrer plusieurs facettes sombres de son sujet : sa façon de fétichiser de façon souvent gênante les hommes noirs, son attitude très problématique qui consistait à continuer à avoir des relations sexuelles même atteint du Sida au risque de contaminer d’autres personnes…
S’il croque assez bien les époques où l’art de Mapplethorpe a pu émerger et tout l’homoérotisme teinté de cuir qui l’a tant inspiré, le film refuse d’accumuler trop de séquences émotions ou de basculer dans un aspect psychologisant ce qui est tout à son honneur. Evidemment c’est un petit aperçu synthétique de l’univers dense de cet artiste et de sa personnalité complexe mais c’est un bon point de départ, qui donne envie d’en savoir plus. De ce point de vue, le biopic est une réussite, certes assez sage et classique dans sa forme mais bien tenu et interprété.
Film produit en 2018 et disponible sur Prime Video (avec une VF vraiment pas terrible pour le coup)