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Still Corners, Strange Pleasures : les rêves et la grâce
Moins de deux ans après un premier album envoûtant, Creatures of an hour, Still Corners est de retour avec Strange Pleasures. Un deuxième opus qui confirme dès son premier morceau, The trip, que les fans de la première heure ne seront pas déçus. On retrouve cette folle élégance, cette mélancolie infinie, ces guitares qui transpercent le cœur ainsi que la voix insaisissable de la chanteuse Tessa Murray. Les synthés font scintiller un ensemble qui fait souvent monter les larmes aux yeux. C’est un disque maniaque, aussi rigoureux que fiévreux, qui prend de l’ampleur à chaque écoute et qui à n’en pas douter ornera bien des fins de soirées d’été, desquelles on rentrera mi-alcoolisé mi-désenchanté. Les guitares qui font des boucles sur The trip, ouverture sublime sur laquelle on ne peut s’empêcher de revenir inlassablement, résonnent comme des souvenirs d’amourettes estivales trop subitement interrompues.
L’impression de vibrer dans une brume colorée, un goût d’années 80 mêlé à de subtiles expérimentations : Beginning to Blue prolonge cet étrange plaisir que le titre de la galette nous avait promis. Deux pistes plus loin, c’est un coup de foudre inattendu en plein entre deux avec All I know : fausse simplicité des accords, on sent le soleil qui nous éblouit, nos émotions deviennent des vagues imprévisibles. Tessa Murray joue plus que jamais avec sa voix sensuelle et sucrée, au point de faire bander nos oreilles. Là encore, on a envie de se repasser la chanson en boucle, comme pour tenter de percer un mystère qu’on sait pourtant d’avance qu’il restera entier. Fireflies, plus direct, nous attrape pour mieux nous pousser à l’envie de chantonner et de susurrer comme cette voix fantôme qui apparaît à la fois terriblement proche, dans la confidence, que divine, parfois inaccessible.
Si Still Corners sait être catchy, déployant un air léger et minimaliste (Berlin Lovers), la formation londonienne semble surtout penser chacune de ses créations musicales comme un imparable tour de magie. Dès les premières notes, Future Age déploie un océan de couleurs et de sensations contradictoires. L’ensemble est indéniablement touché par la grâce, souvent puissant, constamment intrigant. Personne ne caresse aussi bien nos oreilles que Tessa Murray (Beatcity en est l’une des preuves les plus évidentes) et rares sont les disques à s’achever sur un morceau qui donne autant envie de relancer chaque piste. Ce plaisir musical est peut être étrange, il est surtout foudroyant de beauté.