MULTIPOP
Skins « Pure » (Saison 7, 2013) : et Cassie devint la femme
Deuxième volet de l’ultime saison de Skins, Skins : Pure marque le retour qu’on espérait plus du personnage de Cassie. C’est personnellement mon personnage préféré, toutes saisons confondues. C’est peu dire que ces retrouvailles étaient attendues. Comme c’était le cas avec le personnage d’Effy, nous retrouvons une héroïne transformée, assez éloignée de l’adolescente que l’on avait aimé. Cassie paraît plus ordinaire, plus sage, sans avoir pour autant vraiment trouvé son chemin. Les temps sont mêmes difficiles : elle travaille comme serveuse dans un café-restaurant limite miteux de Londres, loge dans une drôle de résidence où tout le monde semble s’amuser sauf elle, n’a aucun ami ni de perspective sentimentale. Un collègue du boulot, cuisinier dragueur, vient rompre cette solitude le temps d’un plan cul qui ne semble pas pouvoir aboutir à quelque chose de plus profond. Le téléphone sonne, le père largué de la jeune femme la réclame dans sa bourgade isolée. Depuis la mort de son épouse, il est seul avec son petit garçon et est visiblement dépassé. Cassie laisse de la distance, tente de se construire seule, se perd dans ses rêveries. Son quotidien assez fade bascule quand une collègue lui montre de magnifiques clichés d’elle, pris à son insu, qui ont été mis en ligne sur un mystérieux site Internet. La belle blonde aux dents de lapin est à la fois frappée par la beauté qui en émane, intriguée et apeurée (le photographe la suit à la trace, a capturé des choses d’elle très intimes). Les photographies suscitent un petit buzz sur Internet. Cassie finira par découvrir son auteur : Jakob, un autre collègue de travail, jeune serveur renfermé sur lui-même et puceau. Avec ses yeux d’enfant il la regarde, l’aime de la façon la plus pure qui puisse être. Une relation d’amitié, plutôt ambiguë, s’instaure entre eux. Elle l’amène chez son père pour faire des photos dans la nature, elle accepte de jouer le rôle de sa muse. Mais Jakob est toujours en demande, apparaît comme un amoureux quasi-désespéré qui attend constamment dans l’ombre. Cassie dit l’aimer mais elle n’est pas certaine que cette affection soit de l’ordre de l’amour plus que de l’amitié. Grâce au buzz des photos sur le net, un photographe professionnel finit par l’approcher et l’engage pour un shooting. Les clichés paraissent dans un magazine et révèle une Cassie inédite, qui semble née pour devenir mannequin. Serait-ce là le début de la nouvelle vie qu’elle semblait attendre ? Rien n’est vraiment sûr, défini : elle voit rapidement les revers du métier, n’est pas attirée par les soirées branchées, le côté factice des relations qui constituent ce milieu à part, la drogue. Cassie prend son temps, erre, et trouvera un certain recommencement en acceptant une responsabilité inattendue.
Ce deuxième chapitre contraste fortement avec le précédent consacré à Effy. Il est au départ plus lugubre, plus difficile d’accès, plus lent, s’apparente à un film social dans la tradition du cinéma anglais. Tout cela est transcendé par l’étrange relation qui se tisse entre Cassie et Jakob, l’importance donnée à la photographie. Les clichés de Cassie viennent hanter les scènes, comme un fantôme d’elle-même, le fantasme de la jeune femme qu’elle pourrait devenir et qu’elle est déjà un peu, grâce à l’objectif d’un admirateur passionné. Comme Effy, Cassie est courtisée par un garçon qui ressemble plus à un enfant qu’à un homme. Et comme elle, elle joue au chaud et au froid, ne parvient pas à se décider, préfère coucher avec un homme plus âgé qui n’est à l’évidence pas du tout fait pour elle. Mais cette fois pas de descente aux enfers. Au contraire. Les deux épisodes ont vite fait de délaisser leur atmosphère délétère pour voguer lentement vers quelque chose de plus lumineux, plus optimiste. On retrouve toute la poésie et la mélancolie qui ornent le quotidien de cette fille définitivement pas comme les autres, ensorcelante sans que l’on puisse vraiment l’expliquer, sensuelle et fragile. On voit Cassie renaître, devenir à sa manière singulière une jeune femme. Il ne se passe pas forcément grand chose mais on se laisse bercer, comme hypnotisés. La délicatesse du jeu et la sensualité de l’actrice Hannah Murray y sont pour beaucoup. Comme une sorte de chanson folk, Skins : Pure laisse en nous quelque chose de bouleversant, avec une simplicité désarmante.