FICTIONS LGBT

AFTER LOUIE de Vincent Gagliostro : la rencontre de deux générations gays

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Le réalisateur Vincent Gagliostro se penche sur un sujet très intéressant avec « After Louie » : la rencontre de deux gays de générations différentes. L’un appartenant aux survivants de l’épidémie du Sida et l’autre, plus jeune, appartenant à une communauté LGBT assez désolidarisée.

C’est avant tout le portrait de Sam (génial Alan Cumming), artiste peintre qui a stoppé l’activité qui lui a valu le succès et un train de vie confortable. Il ne veut plus peindre mais se consacrer à un projet de documentaire sur la mémoire des hommes qui ont disparu à cause du Sida. Une affaire qui lui tient à coeur étant donné qu’il y a laissé la grande majorité de ses amis (comme il le précise, à un moment il allait à un enterrement toutes les deux semaines) ainsi que son compagnon de l’époque. Il y a dans cette démarche quelque chose de salutaire mais aussi qui relève de l’ordre de la culpabilité. Sam est encore là mais n’arrive plus à avancer, hanté par toutes ces morts. Il se réfugie dans un passé morbide, refuse de quitter cette époque où l’homosexualité était un combat de tous les jours. Il ne supporte pas de voir ses amis gays adopter un style de vie « hétéronormé », réclame en permanence à l’un d’eux des photos de l’un de ses ex amants mort.

Passionné, à vif, Sam ne va pas bien. Il ne laisse plus la lumière entrer dans son quotidien, crache sur la jeune génération qu’il perçoit comme superficielle, inconsciente des combats du passé. Il n’a de relations avec d’autres hommes que tarifées. Sa vie étriquée va être chamboulée lorsqu’il rencontre un soir dans un bar Braeden (Zachary Booth, lui aussi au top). Un jeune homme blond, séduisant, comme un mirage. Ils couchent ensemble, le lendemain Sam lui passe de l’argent, Braeden accepte, un peu perplexe. Ils vont se revoir et cultiver une relation entre sexe et amitié. Braeden est en couple libre avec un garçon de son âge, séropositif indétectable, alors que lui prend la PrEp.

Au fil des rendez-vous et des conversations se tisse un moment de transmission. Entre amour et oppositions parfois violentes, Sam et Braeden vont bâtir un pont entre deux générations, deux histoires, se comprendre.

after louie vincent gagliostro

La mise en scène de Vincent Gagliostro est belle et intimiste et « After Louie » constitue un beau film d’acteurs. C’est maîtrisé, profond, plein de sensibilité et de questionnements. L’ensemble épate notamment par une écriture riche qui donne beaucoup de consistances à des personnages que l’on jurerait avoir déjà rencontré.

C’est un triste constat bien réel : trop souvent chacun reste dans son coin, on ne réduit la vie gay qu’à des rencontres en mode « dating ». La génération Grindr a un peu perdu le vrai sens du contact, le plaisir des échanges, et beaucoup d’hommes gays ayant connu les années 1980 sont souvent victimes d’isolement, stigmatisés. Il en faut pourtant peu pour que les carapaces s’estompent.

Si les protagonistes ne s’épargnent rien entre eux (Sam peut être blessant voire sadique avec ceux qu’il aime), le réalisateur a un énorme amour pour ceux qu’il filme et partage une belle foi en l’autre. « After Louie » appuie souvent là où ça fait mal mais on en ressort apaisé, avec l’envie de s’ouvrir aux autres et de sortir de sa petite bulle.

Film présenté au Festival Chéries Chéris 2017

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3