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AGAINST de Todd Verow : deuil extravagant

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Les parents de Stan (Eric Sapp) viennent de mourir. Il hérite donc en toute logique de la maison familiale et va devoir gérer toutes les questions de succession. La maison est glauque, effrayante : le père de Stan était taxidermiste et on trouve tout un tas de crânes bizarres dans les parages. A peine a-t-il emménagé dans le lieu de son enfance que le garçon commence à tomber doucement dans la folie. Il revit dans sa tête des moments plus ou moins traumatisants qui le marquèrent autrefois, il se met à porter les vêtements de sa mère et à l’imiter. Une femme (Philly) vient souvent lui rendre visite pour vérifier qu’il va bien,  la voisine et locataire le prie de l’aider à retrouver son chat…Mais Stan est là sans être là. Il commence à se sentir surveillé, est le témoin d’apparitions morbides…Pourra-t-il remonter la pente ?

C’est une fois de plus un film très étrange que nous délivre le réalisateur underground Todd Verow. S’il fallait trouver des influences pour résumer cet Against, on citerait volontiers Psychose, Le projet Blair Witch ou Tarnation. Comme d’habitude chez Verow, absence de budget et comédiens inconnus (à l’exception peut-être de Philly, icône underground new yorkaise). Le fait que le film soit tourné en DV est un grand plus : si l’image n’est globalement jamais belle, son absence de sophistication donne un côté presque documentaire à cette plongée au cœur d’une folie naissante. On se sent oppressés, on sentirait presque les mauvaises odeurs émanant de cette curieuse demeure qui a tout de la maison hantée.

Dans le rôle principal, Eric Sapp est absolument troublant. La perruque sur la tête, les vêtements immondes de sa mère comme seuls ornements, il déambule entre les différentes pièces de sa nouvelle antre comme dans un labyrinthe…Curieuse façon de faire son deuil, de rechercher le souvenir d’une mère pathétique mais aimée. Pour cela il l’imite, la parodie, l’incarne à s’y perdre. Sans famille et sans amis, le jeune homme n’a plus que les objets abjects ou kitschs de la maison comme compagnons d’infortune. Constamment entre « effroi de l’ordinaire » et portrait sensible d’un jeune homme qui nous échappe de plus en plus, Against fait partie de ces expériences de cinéma, maladroites mais assez marquantes.

Le Against du titre fait référence à l’opposition entre Stan et ses parents (on comprend que l’ambiance n’était pas au beau fixe à la maison) , entre l’acceptation et le déni de la mort, entre nos parts claires ou obscures intérieures. Seul contre tous et contre lui-même, Stan pourrait bien tout perdre. Le spectacle est glauque, il met mal à l’aise, à ne pas conseiller à tout le monde donc. Mais une liberté de ton assez rare pour mériter le coup d’œil.

Film produit en 2001 et disponible en Import DVD

AGAINST from Todd Verow on Vimeo.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3