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Ainsi soient-ils, saison 1 : le soap du Seigneur
A Paris, cinq jeunes candidats à la prêtrise entrent au séminaire des Capucins.
Yann (Julien Bouanich), ancien scout, guitariste plein d’espoir, quitte sa petite Province natale. Il peinera à trouver sa place au séminaire, surpris de découvrir que tout est loin de n’y être qu’amour. Lors de son temps libre, il sympathisera avec une chanteuse rock, avec laquelle il formera un duo. Cette dernière l’amènera à s’interroger sur des désirs possiblement enfouis.
Emmanuel Charrier (David Baiot), garçon noir ayant été adopté, a délaissé ses études d’architecture pour entrer dans les ordres. Il a aussi délaissé les rendez-vous chez des spécialistes, incapables de vraiment l’aider avec ses énigmatiques angoisses. Son arrivée aux Capucins lui permet de trouver le réconfort de l’amitié masculine. Emmanuel partage ainsi un lien de plus en plus fort avec son camarade Guillaume (Clément Manuel). Ils finiront par céder à des pulsions homosexuelles forcément pas très catholiques…
Fils à papa qui avait tout pour lui, l’insolent Raphaël Chanseaulme (Clément Roussier) a délaissé un petit empire pour tenter de rejoindre Dieu. Une façon de fuir une pression de plus en plus insupportable, exercée par son père qui comptait sur lui pour reprendre les rênes de son entreprise. En quittant les affaires, Raphaël a aussi laissé derrière lui un ancien amour ainsi que son frère, qui se retrouve à porter seul le fardeau familial, à hériter des magouilles foireuses de son paternel. Indécis, Raphaël n’aura de cesse de faire des allers-retours entre le séminaire et sa vie d’avant, pêchant dès que l’occasion se présentera.
Le dernier séminariste à entrer aux Capucins est José Del Sarte (Samuel Jouy), ancien taulard qui de ses propres dires a rencontré Dieu alors qu’il était en train de tuer un homme. Entrer au séminaire lui permet de fuir un ennemi dangereux et lui permet enfin de se découvrir apte à quelque chose. Il se révèle en effet être le meilleur orateur, l’apprenti prêtre le plus volontaire, à la foi la plus possiblement sincère.
Tiraillés entre le quotidien du séminaire et la vie réelle, la société de plus en plus violente et ses tentations, les garçons n’auront de cesse de questionner leur foi. Les pères qui les encadrent ne sont pas plus sages. A la tête des Capucins, Le Père Fromenger est suspecté de se livrer à des magouilles pour entretenir financièrement son séminaire. Le Père Bosco, qui lui est dévoué depuis toujours, semble peu à peu perdre la tête, multipliant les crises d’angoisse et autres attaques. Plus proches de Dieu, ces hommes n’en sont pas moins faibles…
Presse dithyrambique, public au rendez-vous : Ainsi soient-ils, diffusée sur Arte, a été un des événements de la rentrée télévisuelle française. « Enfin une bonne fiction française ! » pouvait-on lire sur les réseaux sociaux, certains criant même au miracle. On se calme. Si le cadre change de ce que l’on peut voir habituellement, en terme d’intrigues et d’interprétation c’est du niveau d’une série Canal + en petite forme, et en terme de réalisation il n’y a absolument rien à signaler de transcendant. Survendue, surcotée : cette promesse se transforme instantanément en déception. Le premier épisode fait l’effet d’une douche froide avec son aspect téléfilm austère, ses dialogues maladroits, ses acteurs aux interprétations inégales (si les jeunes s’en sortent tous très bien et que Jean-Luc Bideau ne démérite pas, les acteurs incarnant les « adultes » sont particulièrement mauvais – mention spéciale à l’insupportable Père Bosco campé par un Thierry Gimenez en totale roue libre).
On comprend aisément pourquoi bon nombre de cathos très engagés ont vu rouge. La série est très racoleuse et met en scène des jeunes hommes qui entrent pratiquement tous au séminaire pour fuir quelque chose plutôt que par conviction. Les scénaristes semblent prendre un curieux plaisir à démontrer à longueur d’épisodes à quel point ces hommes de Dieu sont des hommes avant tout, avec leur faiblesses. Le problème c’est qu’à côté d’eux on a presque tous l’impression d’être des enfants de choeur. Le séminaire, l’église, ne sont que des décors ; de la foi on voit plus la crise que la beauté de l’engagement. C’est très sombre, trop sombre, un peu facile, putassier tout en essayant de distiller une petite morale foireuse.
Malgré tous ces points négatifs, on se laisse toutefois prendre au jeu au fil des épisodes. Comme on se prend d’addiction pour un soap. Le plus d’Ainsi soient-ils est d’amener une atmosphère, une quête spirituelle à des intrigues dignes d’une télé-novela. S’ils sont très caricaturaux au départ, les personnages se révèlent d’un épisode à l’autre assez bien développés. Et si les querelles entre les vieux Pères fatiguent, les différents cheminements intérieurs des Capucins, soumis à la question du choix, de l’engagement, de la croyance dans toute sa globalité et complexité, sont émouvants, servis par des acteurs charismatiques. On finit bien par tomber amoureux des personnages, on partage leurs doutes et leurs douleurs.
Si elle se révèle de plus en plus attachante , Ainsi soient-ils, dont on pense bien qu’une saison 2 verra le jour étant donné son succès, gagnerait à se faire plus subtile. Pour ses jeunes acteurs à l’interprétation sensible, on continuera de suivre ces aventures mouvementées où Dieu est bien trop souvent aux abonnés absents…