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AND JUST LIKE THAT… : le retour émouvant de Sex and the City

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La série Sex and the City reste culte et l’attente se mêlait aux craintes quand on a appris qu’elle aurait une suite. En cause, des films très en-dessous de la qualité de la fiction télévisuelle et l’absence au générique de l’iconique personnage de Samantha Jones. Si elle a divisé certains fans, And just like that… (nouveau titre du show pour un nouveau chapitre) ne manque pas de qualités. Moi j’adore ! 

Ceux qui découvriraient seulement maintenant Sex and the city pourraient dire que la série a pris un coup de vieux et qu’elle était en retard sur pas mal de sujets de société. C’est vrai et le cast du show s’en est déjà excusé plusieurs fois (mais à sa décharge la série était complètement en phase avec son époque donc l’époque est autant à blamer qu’elle, tout simplement). Il n’empêche que quand Sex and the city est arrivée à la télévision cela a été une véritable révolution. La série glorifiait quasiment comme aucune autre avant elle l’amitié féminine et la liberté des femmes de vivre, assumer et parler de leur sexualité. Cela peut paraître comme une petite chose aujourd’hui mais Sex and the city a eu un véritable impact à une époque où les femmes n’osaient pas forcément encore parler franchement de leur vie sexuelle. Elle a délié des langues, envoyé paître le slutshaming tout en développant des personnages de trentenaires attachantes, iconiques, libres, puissantes. 

Nous retrouvons ici avec plaisir Carrie (Sarah Jessica Parker), Miranda (Cynthia Nixon) et Charlotte (Kristin Davis). Beaucoup de temps s’est écoulé, les trentenaires à la mode qui écumaient les bars, restos, événements et soirées hype sont aujourd’hui des femmes d’une bonne cinquantaine d’années qui ne sont plus forcément en phase avec leur époque. Quand on a été un.e trentenaire branché.e et qu’on apprécie toujours d’être dans le coup, comment évolue-t-on dans un New York huppé où les codes ont radicalement changé ? 

and just like that
and just like that

Entre humour, tendresse et beaucoup de lucidité, les scénaristes de And just like that… ont vraiment fait un super boulot sur l’écriture de l’évolution des personnages. Carrie n’écrit plus pour un journal mais essaie de prendre ses marques dans un podcast où elle apparait parfois un peu trop sage. Elle s’inquiète du regard de sa jeune voisine cool sur elle, elle qui va fumer sa cigarette discrètement avec un foulard sur la tête et des gants aux mains dans sa rue le soir avec une allure de petite vieille. 

Miranda reprend des études et se retrouve en pleine crise de la cinquantaine. Celle que l’on avait connue comme une femme très forte et moderne est celle qui ici apparait la plus larguée de la bande. Elle multiplie les bourdes embarrassantes avec une prof de couleur noire, s’émerveille comme une gamine face à l’énergie et l’assurance de Che (Sara Ramirez), humoriste et créatrice de contenu LGBT. La vérité est que Miranda s’est tellement encroutée, embourgeoisée, qu’elle se sent à moitié morte dans son mariage avec le gentil Steve. Cette saison va être l’occasion pour elle de tenter de tout reprendre à zéro quitte à apparaître plus vulnérable que jamais. 

Charlotte, elle, n’a pas trop changé. Epouse et maman qui adore toujours jouer à la housewife parfaite, elle va toutefois se confronter à une société qui change quand son enfant Rose (Alexa Swinton) demande à se faire appeler Rock et à ne plus être assigné au genre féminin. 

Le pari risqué de cette nouvelle collection d’épisodes consiste à ne pas trop jouer la carte de la nostalgie pour au contraire bousculer ses personnages, les réinventer. On sent le temps qui a passé, on sent que parfois celles qui se voulaient non stop à la mode sont parfois complètement larguées, à côté de la plaque. Il y a quelque chose de très mignon et d’amusant dans le fait de voir Carrie et ses copines faire tout leur possible pour continuer à rester dans le coup, s’adapter au souffle de la nouvelle génération. On pourrait caricaturer la chose en « Sex and the City à l’heure du wokisme » et c’est en partie ça mais pas que. Tout est toujours un peu entre deux feux : l’envie de poursuivre la modernité et de s’adapter et en même temps accepter que le temps passe et que l’on ne peut plus toujours être dans le coup. 

Moins humoristique que Sex and the city, And just like that… oscille plutôt entre drame et comédie romantique pour raconter les identités en mouvement de ses héroïnes. Il y a des choses qui n’ont pas changé (notamment le faste du quotidien, démesuré – c’est improbable et parfois risible mais on l’accepte car cela fait rêver) et d’autres qui vont être complètement bouleversées. Une fois qu’on a dépassé la cinquantaine on ne peut plus toujours se payer le luxe d’être complètement futile et de jouer à l’éternel.le ado. La mort s’invite, la sexualité n’est plus forcément aussi intense voire au point mort, les questions de divorces et de mal de dos s’invitent à table. 

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Sara Ramirez, Cynthia Nixon HBO MAX And Just Like That… Season 1 – Episode 7 Credit: Craig Blankenhorn/HBO Max

L’évolution du personnage de Miranda a été pas mal remise en question par les fans. C’est peut-être ce que j’ai préféré dans ces épisodes. La crise de la cinquantaine est abordée avec beaucoup de justesse et de sensibilité et Cynthia Nixon est ici constamment sur le fil dans son interprétation, à la fois très touchante et parfois au bord du précipice du pathétique. De façon assez frontale, son personnage se heurte à la question du temps qui passe, à une jeunesse perdue, à un désir éteint. Miranda se retrouve à ne plus savoir qui elle est et toute ta personnalité vacille. C’est perturbant mais super intéressant et souvent émouvant. On la voit tenter de reprendre des études, nier un alcoolisme dans lequel elle noie des problèmes qu’elle ne veut pas affronter puis avoir un déclic alors qu’elle fait la connaissance de Che, lesbienne affirmée, moderne, d’une autre génération qui n’a pas du tout les mêmes codes qu’elle. Une périlleuse renaissance s’opère.

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Enfin, l’absence de Samantha (qui pèse malgré tout, avouons-le) a bien été gérée. Il y a quelque chose d’émouvant et de déchirant dans le récit d’une amitié qui s’est effritée avec les années. A défaut de retrouver Kim Cattrall, saluons l’entrée de la charismatique Seema Patel (Sarita Choudhury), nouvelle copine affirmée et éternellement célibataire de Carrie.

Si le new york huppé et branché est toujours là, presque tout a changé. Les gros problèmes de la vie se mélangent aux petites futilités et romances habituelles. Portée par une mélancolie douce, généreuse, sucrée et amère à la fois, And just like that… est une belle réussite qui appelle clairement à une suite qu’on espère avec impatience. 

Saison 1 de la série diffusée entre 2021 et 2022 en France sur Salto 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3