FICTIONS LGBT

AU PREMIER REGARD de Daniel Ribeiro : l’amour doux

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Sao Paulo. L’été s’achève. Leonardo (Ghilherme Lobo), 15 ans et aveugle, aimerait continuer à ne rien faire au bord de l’eau avec sa meilleure amie de toujours, Giovana (Tess Amorim). Le lycée reprend et le jeune homme doit composer à nouveau avec les railleries de ses camarades. Il est également de plus en plus fatigué par l’attitude de ses parents, qui veulent bien faire mais qui le protègent à outrance. Leonardo n’a jamais pu voir depuis sa naissance mais il aspire à une vie normale. Ainsi songe-t-il à partir étudier à l’étranger, pour se débrouiller tout seul, s’octroyer le droit de grandir.

La rentrée est à l’évidence synonyme de changements. Et l’arrivée d’un nouvel élève, le craquant et avenant Gabriel (Fabio Audi), n’y est pas pour rien. Ce dernier tape directement dans l’oeil de Giovana qui espère trouver en lui son prince charmant. Mais c’est de Leonardo que le nouveau venu se rapproche surtout. Les deux adolescents partagent en effet une relation d’amitié de plus en plus forte, au risque de rendre jalouse Giovana. Pour la première fois de sa vie, Leonardo passe la plupart de son temps avec un garçon et cela le trouble plus que de raison. Et pour cause : progressivement il tombe amoureux de Gabriel. Mais comment savoir si ces sentiments sont réciproques ?

au premier regard film

Premier long-métrage du réalisateur Daniel Ribeiro, Au premier regard (Hoje Eu Quero Voltar Sozinho en VO) a remporté le Teddy du meilleur film LGBT 2014. De notre côté, on lui décerne le titre de film le plus craquant de cette année-là et il restera comme l’un des films les plus choupis de cette décennie. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu sur un écran de cinéma quelque chose d’aussi tendre, d’aussi doux, d’aussi simple et beau. La mise en scène est d’une folle délicatesse, les plans parfaitement composés et colorés. Tout y est délicieux et bien pensé : les vêtements des acteurs, les décors, les corps filmés avec sensualité, la petite musique classique ou pop qui donne envie de rêvasser… L’effet d’un grand câlin de 1h35 qui nous ramène avec modestie et sensibilité à nos 15 ans, l’âge des premiers amours et des premiers désirs. Et notre petit cœur de fondre totalement…

Le personnage principal, Leonardo, est extrêmement choupinet, à la fois touchant et drôle, constamment adorable. On a envie de le prendre dans nos bras et de l’aimer de la première à la dernière seconde du métrage. Ce petit brésilien à croquer (que la caméra capture non sans envie) doit composer avec deux différences. La première est le fait qu’il soit non voyant. Ce qui lui vaut d’être régulièrement pris pour cible par ses camarades de classe et ce qui pousse ceux qui l’aiment à le surprotéger et le traiter en permanence comme une petite chose fragile. Bien conscient de son handicap, d’une faiblesse qu’il n’a pas choisi, Leonardo ne se laisse pourtant jamais abattre. Bien au contraire. Le film parvient à rester constamment solaire, transcendé par l’énergie et la détermination de son jeune héros, guidé par une soif de vivre qui bouleverse.

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Par le prisme de cette différence, Daniel Ribeiro nous fait redécouvrir les rites et les beautés de cet âge qu’on dit ingrat. Le premier rasage, la première danse, le premier baiser… Il en fait également un objet de décalage : s’il pouvait voir comme ses autres amis, Leonardo verrait sans doute plus clair dans le petit manège de Gabriel qui ,mine de rien, semble brûler de désir pour lui. Ce qui nous amène à la deuxième différence évoquée ici : celle de l’homosexualité. Le traitement de cette « problématique » est ici absolument remarquable, jusqu’à un final euphorisant.

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Porté par une certaine poésie du quotidien et une sorte de magie peu commune, Au premier regard nous fait revivre la période de l’adolescence avec beaucoup d’intensité. Le scénario, subtil, riche en dialogues bien sentis, est d’une simplicité désarmante mais tout se matérialise avec une force inespérée à l’écran. On est complètement en empathie avec les personnages, on ressent toute la tension qui va avec l’attente suite à un premier baiser alcoolisé, la dispute avec sa meilleure amie… C’est beau et romantique à en pleurer, d’un charme fou. De l’amour et du bonheur sur pellicule.

Film sorti en 2014 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3