CINEMA

CAMILLE REDOUBLE de Noémie Lvovsky : (re)vivre et se souvenir

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La quarantaine au compteur, Camille (Noémie Lvovsky) est bien contrainte d’admettre que sa vie est en train de partir en vrille. Actrice de films de seconde zone, alcoolique sur les bords, sur le point de divorcer avec Eric (Samir Guesmi), l’homme de sa vie avec qui elle était en couple depuis le lyçée : rien ne va plus ! Le soir du 31 décembre, après être passée chez l’horloger (Jean-Pierre Léaud), Camille retrouve de vieilles amies à une grande fête dans un appartement. Mais quand sonnent les douze coups de minuit, elle tombe dans les pommes.

Le réveil est pour le moins déroutant puisque Camille réalise qu’elle vient de retourner dans son passé. Elle a à nouveau seize ans. Aussi troublante la situation puisse-t-elle être, elle lui permet de revivre un quotidien avec ses parents (décédés dans le présent), de savourer à nouveau la liberté et le souffle de la jeunesse. Et si Camille pouvait changer le cours des choses ? Pourra-t-elle éviter à sa mère de mourir prématurément ? Pourra-t-elle ignorer Eric dans la cour et ainsi éviter de lui consacrer 25 ans de sa vie pour finir meurtrie ?

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L’idée de départ n’est pas originale et on aurait pu craindre une fade version réactualisée de Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola. C’était sans compter sur le talent et l’énergie de Noémie Lvovsky qui délivre un film à la fois drôle et pétillant, une comédie universelle et une réflexion sur l’amour et le temps qui par surprise nous donne les larmes aux yeux. C’est qu’à peu près tout dans Camille redouble trouve un écho chez le spectateur. Qui n’a jamais songé, rêvé un jour de revenir en arrière, d’essayer d’effacer ses erreurs, de revenir à l’insouciance, au moment où tout est encore possible ? Qui n’a jamais espéré revoir les êtres les plus chers brutalement disparus ? Enfin, qui n’a jamais souffert en amour, vécu une séparation douloureuse et émis l’espoir de réécrire l’histoire ? Le long-métrage, simple, limpide, de Noémie Lvovsky parle de tout ça avec beaucoup de tendresse et d’espièglerie. Résultat : chaque scène suscite l’empathie, l’identification, avec en plus la carte de la nostalgie des années 1980, bande-originale pop de rigueur.

Excellente actrice, Noémie Lvovsky réussit en tant que réalisatrice un de ces exploits rares qui consistent à être apte à toucher le plus grand nombre, tout en faisant fondre le cœur des cinéphiles les plus blasés ou exigeants. Aux émouvantes retrouvailles avec les parents, à l’ivresse du premier amour qui reprend vie, s’ajoute une petite note de folie des plus réjouissantes. Si il parle au plus grand nombre, le film a bien une touche toute personnelle, délicatement bizarre (Camille retourne à l’âge des seize ans mais garde l’apparence d’une femme de la quarantaine, s’accorde un petit plan cul avec un adolescent avant d’embrasser plus tard, de retour dans le présent, un très vieux monsieur).

Camille redouble c’est avant tout une histoire d’amour. Un amour qui n’a pas su résister à l’épreuve du temps, qui s’est soldé par un échec. Blessée, Camille tentera d’abord de changer le cours des choses, de se venger en quelque sorte, avant d’accepter que l’échec est aussi le résultat de beaux moments, que malgré le triste final, resteront toujours les souvenirs, le bonheur de savoir que oui « on l’a vécu ». La mémoire est l’autre grand thème du film, Camille profitant de son retour aux eighties pour faire des captations sonores de ses parents qu’elle espère parvenir à ramener avec elle dans le présent. Des voix, une photographie, qui traversent le temps : de petits détails en forme de déclaration d’amour au cinéma, cet art merveilleux qui permet de garder intacte la beauté, de revivre les choses comme pour la première fois, de pouvoir se souvenir sans modération aucune. Forcément émouvant.

Film sorti en 2012 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3