CINEMA

CHRONIQUE D’UN AMOUR de Michelangelo Antonioni : fantômes

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Milan. Un détective privé est chargé d’enquêter sur Paola Fontana (Lucia Bosé), femme du richissime businessman Enrico Fontana (Ferdinando Sarmi). Ce dernier s’est marié avec la belle au lendemain de la guerre, vite, sans trop savoir d’où elle venait. Après être tombé sur d’énigmatiques photographies de son épouse, et pris d’une relative jalousie, il éprouve le désir d’en savoir plus sur cette femme belle et mystérieuse qui partage son quotidien.

Le détective finit par découvrir que le passé de Paola est on ne peut plus trouble : ayant grandi à Ferrare, elle a disparu subitement après la mort de l’une de ses meilleures amies, Giovanna. Victime d’un étrange accident d’ascenseur, cette dernière était, avant de disparaître, en couple avec un certain Guido (Massimo Girotti), que Paola courtisait. Matilde, ancienne amie de Paola et toujours en contact avec Guido, prévient ce dernier qu’un détective est en train de déterrer les fantômes du passé.

Et voilà que Guido débarque à Milan, retrouvant Paola après des années de séparation (ils ne s’étaient plus vus depuis le décès de Giovanna). Sans le savoir, en ouvrant cette enquête Enrico Fontana repousse ainsi sa femme dans les bras de son amour de jeunesse…

Premier long-métrage de Michelangelo Antonioni, Chronique d’un amour (Cronaca di un amore en VO) nous plonge dans une ville de Milan entre étrangeté et mélancolie. Suite à la seconde guerre mondiale, l’Italie est comme scindée en deux, entre ceux ayant profité du « miracle économique » et les laissés pour compte. Paola, épouse d’un riche entrepreneur, dépense sans compter parfois jusqu’à la provocation. Son vieil amour, Guido, fait lui partie de ceux qui sont restés sur le carreau… Le film démarre lentement, de façon un peu morne, déployant un certain mystère autour de la figure de Paola, épouse presque trop belle et élégante pour être réelle. Derrière sa bonne tenue et sa discrétion se cache une femme bien plus instable et complexe qu’il n’y paraît. Par jalousie et curiosité, son mari a lancé une enquête qui va bouleverser sa vie, celle de Paola et de Guido, plongeant chacun face à ses limites et sa perversité.

Petit à petit, entre rendez-vous clandestins et marche dans une ville fantomatique, Paola et Guido tombent les masques. Ils sont des amants maudits qui signent des retrouvailles à la fois charnelles, passionnelles et un poil morbides. Paola se révèle être une sorte de femme fatale, capricieuse et impulsive, apte à faire ressortir chez Guido ce qu’il y a de pire en lui. On le sent : tout va mal finir et les personnages avancent jusqu’à leur funeste destin, presque irrésistiblement. S’il souffre d’un rythme un peu mou, d’un petit côté inégal, le film témoigne déjà d’une mise en scène inspirée, qui joue parfaitement avec le hors champ, l’invisible, les fantômes, et envoûte par la présence magnétique de l’actrice Lucia Bosé.

Film sorti en 1950 et disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3