CLOSE de Lukas Dhont : déchirés

By Gaspard Granaud | 11 novembre 2022

Après le réussi et puissant Girl, Lukas Dhont continue de s’imposer comme un réalisateur à suivre avec le mélodrame émouvant Close, couronné du Grand Prix au Festival de Cannes 2022. 

Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele) sont meilleurs amis depuis l’enfance. Une amitié extrêmement fusionnelle et puissante. Les parents des deux garçons les laissent gentiment passer tout leur temps libre ensemble sans voir d’un mauvais oeil ce qui ressemble à une amitié amoureuse. Léo passe ainsi la majeure partie de ses soirées de vacances à dormir à la maison de Rémi, à tel point que la mère de celui-ci, Sophie (Emilie Dequenne), le considère comme son « fils de coeur ». 

Arrivés au début de l’âge adolescent, les meilleurs amis vont voir leur quotidien basculer avec la nouvelle rentrée des classes. Leurs camarades s’interrogent sur leur complicité, le fait qu’ils soient très tactiles. Forment-ils un couple ? Sont-ils amoureux ? Les questions arrivent et à l’évidence les deux garçons n’étaient pas prêts. Ils n’avaient jusqu’alors jamais eu à mettre une étiquette sur leur lien indéfectible. Et cela commence à travailler Léo qui comprend rapidement que s’il est identifié comme étant avec Rémi, il pourrait être stigmatisé dans son établissement scolaire. Il entreprend alors un profond questionnement intérieur dont il n’ose parler à personne et prend petit à petit ses distances. 

Soucieux de sa réputation mais toujours attaché à Rémi avec qui il n’ose pas parler des choses franchement, Léo fait un peu tout de travers et heurte sans le vouloir la personne à laquelle il tient pourtant le plus dans sa jeune vie. Les conséquences de ses actes ne vont malheureusement pas tarder à se faire attendre… 

Le meilleur conseil qu’on puisse donner à ceux qui n’ont pas encore vu le film est de ne pas trop lire de choses à son sujet pour se laisser attraper par ses retournements riches en émotions. Disons donc juste ici que Lukas Dhont réussit à nouveau un beau film universel, magnifiquement incarné (par ses deux jeunes interprètes mais aussi particulièrement par les deux actrices qui jouent les rôles de maman, Emilie Dequenne – qui est toujours exceptionnelle – et Léa Drucker). Close est un drame parfois douloureux, puissant, qui hante, et il le fait de façon parfois subtile, parfois plus frontale, toujours avec la bonne mesure. C’est un de ces drames intimes qui vous mouillent les yeux. 

Passons maintenant / alerte ! / à plus de détails sur l’intrigue et donc de spoilers. Le grand choc du film c’est le geste définitif du petit Rémi. Toute sa vie Léo était son monde, sa personne préférée. Quand il le délaisse, et pire devient celui avec qui il se bat, son coeur se brise. Et à cet âge-là, quand on a peu vécu et qu’on aime pour la première fois, la douleur peut paraitre insupportable et insurmontable. Le fait que Léo se soit progressivement détaché de lui « l’air de rien », pas franchement, fait que personne autour d’eux n’a vraiment pu comprendre la gravité de cette période. Il n’y a aucun doute sur le fait que si elle avait su ce qui était en train de se passer la mère de Rémi serait intervenue. Mais tout s’est passé en silence, sans explication, de façon intériorisée. Et la conséquence est terrible : un jour, Rémi ne vient pas au voyage scolaire et met fin à ses jours. 

Incompréhension de la part des parents, désespoir. Et pour Léo l’énorme poids de la culpabilité, de ne plus pouvoir revenir en arrière. On suit alors la douloureuse phase de deuil en se demandant comment chacun va pouvoir essayer d’avancer.  

La mise en scène est ici moins brutale et coup de poing que celle de Girl et c’est un choix qui se comprend étant donné la thématique abordée. Le film nous rappelle à quel point les petites choses les plus anodines, le regard des autres, peuvent parfois amener à des choses dramatiques. Lukas Dhont signe en quelque sorte ici son « My Girl » en version plus auteur. On en ressort pas indemne. 

Film sorti en salles le 2 novembre 2022