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DALLAS BUYERS CLUB de Jean-Marc Vallée : le rodéo de la maladie

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1986, Dallas, Texas. Ron Woodroof (Matthew McConaughey) est un électricien à la vie très stéréotypée. Il passe son temps libre à boire avec ses potes, à assister à des rodéos autour desquels il organise des paris foireux, trompe l’ennui en prenant des substances ou en fricotant avec des femmes qui facturent leurs charmes. Sa vie bascule quand il se retrouve un jour à l’hôpital : on lui apprend qu’il a le Sida.

Il ne veut pas y croire dans un premier temps et se dit persuadé qu’il s’agit d’une erreur : lui, si viril, ne peut pas avoir la même maladie que Rock Hudson et tous ces gays qui le dégoûtent. Affaibli, il entreprend des recherches et est contraint de se rendre à l’évidence : il est bel et bien malade. Son médecin ne lui donne que 30 jours à vivre. Bien décidé à ne pas se laisser mourir, le macho à l’allure de cow boy exige qu’on lui prescrive de l’AZT, médicament testé sur certains patients, soutenu par l’Etat. Mais le traitement lui est refusé. Grâce à de petites magouilles, il parvient à s’en procurer un temps. A sec, il part au Mexique pour se faire un stock.

C’est là que, dans un hôpital miteux, il fait la connaissance d’un médecin qui l’informe du danger que constitue ce traitement et lui propose une alternative, plus naturelle. Peu scrupuleux, le médecin se laisse tenter par un partenariat et le fournit abondamment en produits de soin. Ron trouve ainsi le moyen de se soigner et de rapatrier aux Etats-Unis des médicaments non autorisés afin de les vendre à des malades désespérés sur lesquels l’AZT n’a aucun effet bénéfique. Il entraîne dans son business Rayon (Jared Leto), un homme désireux de changer de sexe mais qui n’a pas encore les moyens de s’offrir les opérations.

Si au départ la relation entre ces deux personnages que tout oppose est tendue, ils vont peu à peu apprendre à se connaître, se respecter, se soutenir dans l’épreuve de la maladie. Petit à petit leur petit commerce suscite l’enthousiasme et ils lancent le « Dallas Buyers Club », permettant à ses adhérents de disposer de soins plus performants et moins dangereux que ceux qu’imposent les hôpitaux. Ron survit plusieurs années mais ses magouilles finissent par être identifiées et il se voit devenir la proie des hôpitaux, des autorités et autres laboratoires pharmaceutiques…

dallas buyers club film

Tirée d’une histoire vraie, Dallas Buyers Club permet une nouvelle fois à Matthew McConaughey de prouver l’étendue de son talent d’acteur. Fortement amaigri, il campe à merveille un personnage fort que le Sida va transformer. Apprenant que ses jours sont comptés, Ron délaisse sa vie futile pour tenter par tous les moyens de survivre. D’abord présenté comme un beauf homophobe, fermé d’esprit et menant une vie dissolue, il va au fil de son combat apprendre à regarder les autres différemment, à s’ouvrir en délaissant ses préjugés.

Il lui aura fallu un choc, un drame, pour qu’il regarde plus loin que son nombril et devienne jour après jour une personne meilleure, venant progressivement en aide à son prochain. Sa relation avec le personnage délicieusement extravagant de Rayon offre au film quelques unes de ses plus belles scènes. Mais là où le projet se révèle être une jolie réussite, c’est dans sa capacité à mêler portrait intime, lutte contre la maladie et politique. On revient sur la terrible époque de l’épidémie du Sida. Hôpitaux dépassés, laboratoires pharmaceutiques tirant honteusement profit du désespoir des malades pour en faire des cobayes qu’ils dépouillent non sans cynisme, Etat corrompu… On ressent l’enfer des victimes du Sida, plongées dans l’incertitude, auxquelles on ne proposait aucune solution clairement définie. On voit aussi les clichés terribles qui se répandaient dans les esprits (Ron est progressivement rejetés par ses camarades qui le traitent de pédale en raison de son état sérologique, on le regarde et le traite comme un chien galeux)…

Derrière la caméra, Jean-Marc Vallée délivre un film soigné et qui parvient à bien doser l’émotion, détourner les caricatures. Sa mise en scène est assez classique, tranchant avec le caractère pop de ses précédents longs-métrages. Le scénario, qui souffre de quelques raccourcis et de passages paraissant légèrement improbables (la faculté qu’à Ron à embobiner les douanes et les autorités en se faisant passer pour un prêtre ou un médecin – des passages qui lorgnent de façon affirmée du côté de la comédie mais qui rendent l’ensemble un peu moins crédible), ne témoigne pas d’une grande originalité. Le spectateur n’est jamais vraiment surpris et on peut aisément deviner ce qui va se passer à l’avance.

Curieusement, cela ne pose pas trop de problème, grâce à des personnages attachants, souvent émouvants, bien incarnés. Les dialogues sont bien sentis, le rendu authentique, le propos à valeur historique et universel. On suit ainsi avec intérêt et plaisir le portrait d’un homme passant du statut de bête énervée (le parallèle dans la scène d’ouverture entre l’animal dans l’arène et Ron qui batifole dans un box) à celui de cow boy héroïque, domptant ses addictions et tenant tête à la maladie et aux épreuves. Un peu attendu mais réellement vibrant.

Film sorti en 2014 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3