FICTIONS LGBT
DANS LES TOURNESOLS (Sunflower) de Gabriel Carrubba : des abysses aux étoiles
Premier long-métrage du jeune cinéaste australien Gabriel Carrubba, Dans les tournesols (Sunflower en VO) parvient à apporter sa propre touche au genre vu et revu du film de coming out gay grâce à une très belle mise en scène.
Melbourne. Leo (Liam Mollica) est un adolescent discret et qui se fond dans la masse. Il passe la majeure partie de son temps avec son meilleur ami Boof (Luke J. Morgan). Ils sont arrivés à cet âge où les conversations tournent autour des filles, où les sens sont en ébullition, où ils vont pouvoir vivre leurs premières fêtes et leurs premiers émois.
Comme beaucoup de garçons de leur âge, ils envisagent de coucher pour la première fois. Du moins Boof, qui n’arrête pas d’en parler et qui se trouve une petite amie, Carly (Mia Barrett). Leo suit le mouvement et se rapproche d’une fille de son école, Monique (Olivia Fildes). Mais il sent que quelque chose coince : elle est belle, gentille, ils passent de bons moments ensemble mais il ne la désire pas. En revanche, quand il se livre à des sessions de plaisir solitaire avec Boof, l’intensité est au rendez-vous…
Alors que ses parents, d’origine italienne et protecteurs, l’autorisent à aller à sa première soirée, Leo va vivre une nuit aux allures de tournant. Rien ne se passe comme prévu avec Monique, il se prend en pleine face son homosexualité naissante et la nuit s’achève par un baiser surprise échangé avec Boof. Hélas, ce qui aurait pu être un dénouement heureux va se changer en cauchemar : le lendemain de ce premier baiser tant rêvé, Boof n’assume pas et bien pire que ça : il raconte à tout le monde que Leo est gay et qu’il a essayé de l’embrasser contre son gré. Leo se retrouve dès lors harcelé…
D’un point de vue purement scénaristique, Dans les tournesols suit le canevas habituel des films de coming out dramatiques en reprenant les situations, figures et stéréotypes du genre. Mais chaque scène se révèle étonnamment efficace, portée par une justesse totale, une sensibilité palpable. La sincérité du projet, la sensation que cette histoire sent le vécu, l’attachement particulier à traiter cette histoire comme si elle était narrée pour la première fois, amènent le film à un niveau qu’on n’aurait pas pu imaginer.
C’est que tout ici est au plus haut niveau : le casting et l’interprétation, impeccables, la forme très soignée (avec une photographie assez splendide et quelques passages oniriques du plus bel effet), l’écriture à la fois simple, universelle, précise et authentique. Le talent est au rendez-vous et on se surprend à être profondément touché par tout ce qui se passe à l’écran et à tout ressentir profondément dans notre chair.
Si Gabriel Carrubba déploie un coming out dans la douleur avec son lot de doutes, d’homophobie et de refoulement (le personnage du meilleur ami, à la fois dur et pathétique) c’est pour en faire un solide ressort scénaristique et montrer l’humanité et la tendresse, la lumière, au bout du tunnel des angoisses et d’une société hétéronormée. La dernière partie se veut ainsi particulièrement réconfortante, solaire, apaisée, offrant des moments particulièrement beaux, touchants et pleins d’espoir (après les abysses, on finit la tête dans les étoiles). Dans les tournesols marque la rétine avec ses jolis plans et attrape notre petit coeur tout en posant son réalisateur comme un jeune auteur au style affirmé, définitivement à suivre.
Film produit en 2023 et présenté au Festival Chéries Chéris 2024