FICTIONS LGBT
DES OS ET DES NOMS de Fabian Stumm : l’attrait des bêtises
Avec son premier long-métrage en tant que réalisateur, Des os et des noms (Knochen und namen en VO), l’acteur Fabian Stumm mêle comédie et drame sentimental et existentiel sur fond de réflexion sur la création artistique. Le tout avec un ton singulier.
Boris (Fabian Stumm) et Jonathan (Knut Berger) vivent ensemble et forment un couple soudé depuis pratiquement 8 ans. Boris est comédien et Jonathan est écrivain. Forcément, une petite routine s’est un peu installée entre eux : les habitudes font qu’ils prêtent parfois moins attention à l’autre, s’écoutent moins voire par moments se fatiguent un peu, ce qui n’enlève rien à leur tendresse et au fait qu’ ils soient toujours amoureux. Ils sont chacun en train de vivre un moment artistique important. Jonathan sort son nouveau roman qui parle de perte et de mort et pense à la nouvelle direction qu’il souhaite donner à son écriture en abordant des thématiques différentes. Boris pour sa part entame les répétitions d’un nouveau film, qui traite de l’adultère d’un homme marié hétéro trompant sa femme avec un jeune homme séduisant, sous la direction d’une réalisatrice très exigeante (Marie-Lou Sellem).
Les questionnements et travaux artistiques vont progressivement se faufiler dans leur quotidien, les amenant à interroger leur relation, leur rapport à l’autre, tout en faisant un point sur leur existence.
Fabian Stumm, qui incarne l’un des rôles principaux et réalise le film, a opté pour une construction s’appuyant sur une succession de scènes souvent portées par une drôlerie piquante voire un certain cynisme avec différents personnages. On suit Boris et Jonathan mais aussi au détour d’une scène un couple âgé, une petite fille, sa mère… On comprend que les personnages périphériques appartiennent à la famille de Jonathan, montrant comment chaque élément d’un même noyau peut être confronté aux mêmes questionnements.
Armé d’une écriture vive et d’un style arty, l’auteur interroge notamment la notion d’interdit et de destruction. Qu’on soit un enfant ou un adulte, on a tous à un moment la tentation de faire quelque chose de mal, des pulsions pas très claires qui nous amènent à jouer, à suivre nos bas instincts même si l’on sait que ce n’est pas bien et que cela pourrait être préjudiciable à soi ou à l’autre. Une mauvaise action fait-elle de nous une mauvaise personne ? Pas forcément semble nous répondre ce film qui rappelle l’ambivalence de l’humain mais aussi sa capacité à s’adapter, à faire le deuil, à pardonner, aller de l’avant.
Une fois que l’on a cerné la mécanique du projet qui n’emprunte pas une construction scénaristique classique (comme pour aller de pair avec ses personnages qui ont envie de faire un pas de côté), on savoure des séquences souvent surprenantes, amusantes voire franchement réjouissantes. Fabian Stumm donne ainsi l’impression de réussir plusieurs films en un, filmant l’enfance et la maternité avec espièglerie et sensibilité, la vie de couple de deux hommes avec tendresse et nuances et aussi la drôle de vie d’artiste.
Impossible de ne pas mentionner les scènes de répétition d’un film dans lequel le personnage de Fabian va être amené à tout donner aux côtés de deux autres comédiens engagés. Sous la houlette d’une réalisatrice campée par une Marie-Lou Sellem démente, ces trois acteurs se retrouvent dans des situations questionnant les limites, jouant de l’absurde et du malaise – surtout une fois qu’ils découvrent que la fiction qu’ils préparent est l’histoire de la cinéaste très exigeante, piquante et un peu zinzin qui se plait à jouer avec leurs nerfs non sans sadisme pour opérer sa catharsis. Ces scènes font ressentir la densité et la qualité d’écriture d’un projet pointu et rondement mené.
Film produit en 2023 et présenté au Festival Chéries Chéri 2023