FICTIONS LGBT
DONNE-MOI LA MAIN de Pascal-Alex Vincent : parcours initiatique de 2 frères jumeaux
Ca commence par un film d’animation entre French Touch et Manga japonais. Deux garçons se retrouvent. L’un travaille dans une boulangerie avec son père, l’autre attend sagement dehors. Ils sont frères, des frères particuliers puisqu’ils sont jumeaux. Leurs mains respectives s’appuient contre la vitre de la boulangerie, donnant lieu à une sorte d’effet miroir. Ils s’appellent Antoine et Quentin, ils ont 18 ans et ils ont décidé de faire ensemble un voyage important. Ils vont en effet partir vers l’Espagne pour assister à l’enterrement de leur mère qu’ils n’ont jamais vraiment connue.
Alors que la route commence, le film d’animation devient film tout court, nous présentant les deux acteurs principaux, Victor et Alexandre Carril. C’est parti pour un road/walk movie où les deux frères vont progressivement prendre conscience de leurs différences…
Pour son premier long-métrage, Pascal-Alex Vincent fait appel à Victor et Alexandre Carril , deux acteurs jumeaux amateurs qu’il avait précédemment dirigés dans son court-métrage sélectionné à Cannes, Bébé Requin. Dans ce film déjà, il relatait des troubles de la gémellité en jouant sur un homo érotisme assumé. Donne-moi la main (titre de toute beauté, emprunté à la chanson « Melocoton » de Colette Magny) suit la même piste mais s’avère définitivement plus sombre et plus complexe que les précédents travaux du réalisateur.
Nous partons d’un point A (village de Poitou Charentes) pour aller vers un Point B (l’Espagne). Nous partons du Père pour aller vers la Mère. Un parcours initiatique « à la roots », fait de balades en forêt, d’auto stop et de rencontres de hasard. Au commencement, il y a donc Antoine et Quentin. Gémellité oblige, ils se ressemblent terriblement. On peut facilement les confondre et chacun est comme un reflet de l’autre. A la base, leur relation est fusionnelle. Ils sont sur la route, se chamaillent, se battent même parfois, comme deux garçons pas tout à fait sortis de l’enfance.
Premier élément perturbateur : l’arrivée d’une jeune fille qui en a après un des deux frères. Elle couche avec lui, ébranle leur intimité. Problème rapidement résolu puisque l’autre frère couche aussi avec elle. Au final, la fille disparaît, nous faisant bien comprendre à quel point il est difficile de s’immiscer entre eux, leur rapport semblant plus fort que tout. Ils se ressemblent comme deux goutes d’eaux, ils font tout ensemble (preuve en est, une autre scène où ils couchent ensemble dans une voiture avec deux autres jeunes femmes). Mais Antoine et Quentin ont bel et bien des différences.
Alors qu’ils s’arrêtent dans une ferme pour travailler, Quentin fait la rencontre d’un jeune homme auquel il va se livrer. Il avoue : « Antoine, c’est celui qui a des amis ». Quentin, lui, est plus introverti, plus secret, et aime passer son temps à dessiner. Et ô surprise, Quentin cache une attirance pour la gente masculine. Le garçon de la ferme va ainsi, logiquement, devenir son premier amant. Cette relation qui aurait pu rester clandestine va toutefois être découverte par hasard par Antoine. Et c’est là que les choses vont se corser. Car cette orientation sexuelle marque une rupture dans la relation des frères jumeaux. Pour la première fois, ils sont prêts à prendre des chemins radicalement différents. Et le fait que Quentin puisse partager avec un autre garçon des liens plus forts et qui ne seront jamais explorés avec Antoine, place ce dernier dans un état de colère. Résultat : Antoine va bien s’arranger pour que les garçons ne se revoient plus et va par la suite faire payer la chose à Quentin. Identités sexuelles divergentes : miroir brisé.
La dernière partie du film marque la séparation des deux frères. Antoine va pratiquement vendre son frère à un autre homme (une scène vraiment très forte) et va provoquer une fêlure terrible. Quand l’amour se transforme en colère, voire en haine, le pire est alors à craindre. Donne-moi la main est donc une histoire intense entre deux jumeaux, le récit d’un lien si puissant qu’il en devient destructeur.
Le scénario opte pour une véritable épure des dialogues, faisant du premier long-métrage de Pascal-Alex Vincent un film atmosphérique plutôt que psychologique. Avec un aspect « film à colorier », impressionniste, qui garantira au spectateur de se laisser porter par les images et le son. Un trip sensible, musical, esthétiquement abouti et d’une belle modestie. Une œuvre émouvante et cohérente (on retrouve tout ce qui a fait le sel des courts-métrages du réalisateur mais avec une gravité subtile en plus).
Film sorti en 2009 et disponible en VOD