FICTIONS LGBT

DRINK ME de Daniel Mansfield : la soif du mâle

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Andy (Darren Munn) et James (Emmett Friel) forment un couple gay solide et épanoui. Un jour, en marchant dans la rue, Adam trouve une étrange boite qu’il emporte avec lui. Alors que dans les rues des gens disparaissent, le quotidien des deux garçons va peu à peu basculer. James demande son compagnon en mariage mais ce dernier vient de perdre son travail. Pour pouvoir continuer à payer leur maison, ils décident d’accueillir un colocataire. Et voilà que Sebastian (Chris Ellis-Stanton), blond étrange et ambigu, se retrouve sous leur toit. Andy se méfie de ce nouvel arrivant provocant et il a bien raison : Sebastian semble être l’auteur des disparitions du voisinage. Pire encore : il est un vampire qui va s’amuser à tourmenter les deux amoureux. Tandis qu’Andy sombre dans la dépression à force d’accumuler les visions et cauchemars sinistres, James se retrouve en proie à de violents fantasmes le mettant en scène avec son coloc aguicheur. C’est le début d’une troublante descente aux enfers…

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Comment réaliser un film de vampires pratiquement sans argent ? La réponse se trouve dans Drink me, projet réalisé par Daniel Mansfied et co-produit avec son compagnon Richard. Les deux hommes ont décidé de s’amuser en mettant en chantier des productions ne tenant que sur leur seule créativité et passion. Forcément, le résultat est déroutant car l’absence de moyens est palpable dès les premières secondes. Mais plus l’intrigue avance et plus on constate que le duo s’est franchement bien débrouillé. Si au début on pouvait craindre une oeuvre dans la lignée des nanars de David DeCoteau (spécialiste des productions z gays fauchées), Drink Me détourne le kitsch et parvient à instaurer une atmosphère singulière.

L’idée originale de ce long-métrage inclassable est de mélanger le genre du fantastique à ceux du thriller, du drame romantique et surtout du registre érotique. Les comédiens sont en effet en caleçon ou dans le plus simple appareil pendant les deux tiers du film, l’amenant parfois à la lisière d’une production adulte. Ces scènes de sexe, à la fois brutes et sensorielles, ne manquent pas d’imposer une forte tension. Car c’est avant tout de désir que parle Drink Me. S’il y a l’intrigue vampirique classique (Sebastian trouble ses deux colocataires grâce à ses pouvoirs hypnotiques), ce qui se joue est avant tout le couple de deux mecs fous amoureux au début du métrage. Après s’être attachés à eux et avoir suivi leur intimité dans les moindre détails (clairement ils s’entendent très bien au plumard), nous observons le cataclysme que représente l’arrivée de Sebastian. Andy le voit comme une menace, se braque et pousse ainsi involontairement dans les bras de l’ennemi son compagnon.

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Le film est articulé comme un énorme trip. Le filmage est inégal, la caméra part un peu dans tous les sens, expérimente et réussit souvent son coup. Contre toute attente, Drink Me finit par déjouer habilement tous les pièges, les kitscheries et se révèle être un OFNI intense, jouissif, mêlant suspense et excitation. Peur de la mort, peur de perdre celui qu’on aime, vertige des désirs interdits : hyper hot, distillant l’air de rien une multitude d’images aptes à retourner le spectateur et à la placer dans une position inconfortable, ce long-métrage fauché mais très inspiré tient la route et témoigne d’une belle et forte personnalité. Bien sûr, il y a des maladresses. Mais elles sont contrebalancées par une puissance érotique ravageuse. On navigue en plein cauchemar humide, entre fantasmes, inconscient, refoulement. Il y a quelque chose de ludique, de malsain et diabolique dans cette intrigue et la façon de la filmer. Un climat un tantinet dépressif aussi. Drink me laisse un drôle de sentiment, parvient à retourner, à laisser une part d’abstraction à un récit moins linéaire qu’il n’y parait. Bonne surprise donc et vraie curiosité.

Film produit en 2015. Disponible en DVD et sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3