FICTIONS LGBT

NOS ÉTOILES (Ein Weg) de Chris Miera : le couple gay droit dans les yeux

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C’est un de ces films qui font un peu mal au coeur mais dont l’ampleur et la force restent en nous pour longtemps. Avec Nos étoiles (Ein Weg en VO), le réalisateur Chris Miera suit l’histoire d’un couple gay un peu à la façon du « 5×2 » de François Ozon. De la possible fin d’une histoire à ses premiers instants lumineux : un tourbillon d’émotions dont on ne se remet pas.

Andreas (Mike Hoffman) et Martin (Mathis Reinhardt) forment un couple depuis quasiment deux décennies. Ils ont élevé ensemble un garçon, Max, arrivé à sa majorité. La tendresse est toujours là même si Martin est souvent absent en raison de son travail. L’inévitable routine s’est installée et les petites choses anodines d’hier finissent par devenir asphyxiantes. S’aiment-ils toujours ? Le temps serait-il venu de se séparer alors que les deux hommes passent de crise en crise ?

Le couple en a vu d’autres. Il y en a eu des frictions, des doutes. Mais ils ont toujours tenu bon, incapables de se passer l’un de l’autre. Ils ont construit ensemble énormément de choses, ils se connaissent par coeur. Alors que leurs chemins pourraient être amenés à se séparer, des fragments du passé ressurgissent. La soirée où leur couple a pris forme, les déclarations d’amour, le choix d’élever ensemble un enfant…

ein weg chris miera ein weg chris miera

Le titre original de ce long-métrage est très beau et résume bien la chose : « Ein Weg », soit en allemand une route, un chemin. Andreas et Martin en ont fait un long ensemble. Rarement le cinéma nous aura fait suivre l’histoire d’un couple sur une si longue durée sans que s’y opposent des choses graves comme le Sida. Ici, les deux personnages principaux vivent leur romance comme n’importe quel couple hétérosexuel. C’est ce qui donne par ailleurs à cette oeuvre un caractère universel, apte à toucher le plus grand nombre.

Le cinéaste Chris Miera sonde avec beaucoup de réalisme et de délicatesse une certaine vérité du couple. Il y a les débuts euphorisants, où le coeur bat la chamade. Les yeux pétillent, les gestes d’affection se multiplient, ce qui aurait pu n’être qu’un flirt devient quelque chose de sérieux, on s’engage. Puis il y a la vie de couple, dans la même maison, la petite routine, le fait d’élever un enfant.

Quand on est amoureux, on se sent plus fort mais on a aussi toujours un peu peur de perdre l’autre, d’être trahi. Rien n’est jamais acquis. Et les multiples épreuves de la vie sont autant d’obstacles qui viennent fragiliser une union. La mort de proches, la vie professionnelle qui peut nous jouer de sales tours, des envies qui peuvent changer. Il y a toujours des concessions et un prix à payer pour ces moments de bonheur et de fusion. Aimer c’est faire face à l’adversité, c’est ne pas se démonter quand sa moitié va mal, c’est accepter les moments difficiles où l’on n’est pas du tout sur la même longueur d’ondes, où l’on ne se comprend plus.

« Nos étoiles » regorge de moments déchirants et matérialise parfaitement ces instants où malgré tout l’amour que l’on porte à quelqu’un, on n’arrive simplement plus à respirer, à communiquer. On a envie d’hurler, d’exploser, de pleurer et la frontière est infime entre l’impulsion de se séparer et celle de prendre sa moitié dans ses bras.

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C’est un magnifique couple qui se débat à l’écran, à la fois vulnérable, sensible et solide. Les deux acteurs sont excellents, justes, nous ressemblent, touchent par leur naturel et leur charme loin des éternels beautés plastiques qu’on voit trop souvent dans les films à thématique gay. C’est une oeuvre parfois aride, qui ne nous ménage pas en regardant droit dans les yeux un couple sur de nombreuses années avec leurs superbes hauts et leurs bas déchirants.

Trouver quelqu’un avec qui construire, avec qui bâtir quelque chose, faire un chemin n’est pas sans risque. On en ressort pas toujours indemne. Peut-on tout pardonner, tout affronter ? La persistance d’Andreas et Martin a quelque chose de très beau. Ils essaient, ils se battent, jusqu’à l’épuisement.

On se demande parfois, surtout quand une histoire longue s’achève, si tout cela en valait la peine. « Nos étoiles » nous rappelle que s’il y a des fins malheureuses, il y a surtout des chemins que l’on emprunte et qui définissent notre vie et restent en nous à jamais. Et même si on y repense en ayant les yeux mouillés et la boule au ventre, c’est une des raisons pour lesquelles on vit tout simplement.

Film produit en 2018 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3