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FELLINI SATYRICON de Federico Fellini : récits et folie

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Film culte et fou de Federico Fellini, adaptation libre de l’oeuvre de Pétrone, Fellini Satyricon a de quoi décontenancer. Ici on confesse qu’on a eu du mal à trouver la porte d’entrée.

De quoi ça parle ? Déjà il est difficile de répondre à cette question. On entre dans le film alors que dans la Rome Antique deux étudiants, Encolpe et Ascylte, se disputent au sujet de leur jeune esclave Giton. Ascylte a vendu ce dernier à une troupe de théâtre. Encolpe réussit à le récupérer mais Giton finit par le laisser tomber, préférant partir avec Ascylte.

D’emblée, la mise en scène fascine avec un homoérotisme brûlant et en même temps un peu poisseux et des plans qui ressemblent souvent à des tableaux. Mais on a du mal à entrer dans l’histoire, vraiment. Les personnages ne sont pas bien posés, on ne prend pas le soin de les présenter ou de les rendre attachants. Pire, ils sont parfois agaçants (on ne comprend ainsi vraiment pas pourquoi les deux étudiants se battent pour Giton, très fade, vulgaire et avec le charisme d’une huitre – l’enjeu de la première partie est par conséquent assez peu captivant).

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Complètement perchée, nous perdant dans un labyrinthe paraissant souvent interminable de récits plus improbables les uns que les autres, l’oeuvre parvient à nous faire tenir par ses prouesses et trouvailles visuelles, ses excès, sa perversion. On passe d’un étrange festin à un mariage gay sur un navire. Une tête est découpée et tombe à l’eau. Le personnage de Giton disparait subitement. Encolpe et Ascylte se retrouvent à s’amuser avec une esclave noire. Ils sont ensuite dans une grotte où ils tombent sur un enfant hermaphrodite qui aurait d’incroyables pouvoirs. Suit un duel avec un Minotaure à l’issue duquel Encolpe perd sa capacité à avoir une érection. Il pourra éventuellement la retrouver auprès d’une magicienne dont des flammes sortent du sexe…

Le côté barré et provocant a de quoi amuser à postériori (le film gagne d’ailleurs à être plus apprécie à tête reposée) mais il faut avouer que ce voyage finalement en dehors du temps (de ce que j’ai pu lire on dit que c’est « un film de science fiction dans le passé »), aussi beau et marquant par ses images soit-il est sacrément pénible à regarder. Les dialogues sont longs et assez abscons, les histoires avortées alors qu’on commence seulement à entrer dedans, on ne s’attache pratiquement à personne et le rythme est incroyablement lent. De quoi mettre les cinéphiles les plus patients à rude épreuve, surtout s’ils ne sont pas à l’origine intéressés par ce type d’univers.

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Il faut bien admettre que Fellini offre un spectacle dérangeant et esthétiquement intrigant, parfois fascinant. Son Satyricon donne toutefois vraiment l’impression d’une oeuvre en roue libre totale, envoyant valser tous les codes du cinéma pour une expérimentation qui ne cesse de repousser les limites de son auditoire. On a l’impression à terme de sortir d’un bad trip sous LSD, un cauchemar dont on a du mal à se remettre. Des images inoubliables se sont imprimées dans notre cerveau mais on a bien du mal à dire si on a aimé ça. 

A titre personnel, je n’ai pu m’empêcher de penser à Pasolini qui aimait aussi souvent bousculer le spectateur et qui avait aussi cette faculté à nous entraîner dans un univers aux multiples histoires et recoins, en mode conteur. Sauf que chez Pasolini il restait un fil, des choses auxquelles s’attacher et se s’accrocher, ce qui manque ici cruellement et qui fait qu’on ressort du Satyricon épuisé. On ne regrette pas de l’avoir vu car c’est une expérience en soi mais on ne le recommanderait pas à grand monde à moins d’avoir d’entrée de jeu peut-être plus de connaissances et de clés de lectures qui à n’en pas douter doivent rendre cette ronde folle et assez infernale plus digeste.

Film sorti en 1969. Disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3