CINEMA

HEDI de Mohamed Ben Attia : l’homme et la famille

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Tunisie, peu de temps après le Printemps Arabe. Hedi (Majd Mastoura) est un jeune homme qui tente de marcher droit. Il rêve d’être dessinateur de BD mais il travaille comme commercial dans l’automobile. Il a soif d’amour et de liberté mais il accepte, pour faire plaisir à sa mère et à sa famille, un mariage arrangé. Il fait ce qu’il faut mais à l’intérieur ça le ronge.

Tout bascule quand il fait la rencontre de Rim (Rym Ben Messaoud), une femme pleine de vie, qui profite de l’instant présent et ne s’interdit rien. Alors que tout part en vrille dans son quotidien, Hedi trouve en Rim une fuite, quelque chose qui lui appartient, une bouffée d’air frais. Mais osera-t-il penser seulement à lui et à son bien-être et affronter les traditions ? 

hedi film mohamed ben attia

Très belle découverte que ce premier long-métrage qui sonde à la fois la jeunesse tunisienne d’aujourd’hui mais aussi et surtout la masculinité. Si l’on voit de plus en plus de films dénonçant les traditions ancestrales et autres mariages arrangés, on a rarement eu l’occasion de vivre ce genre de situation en suivant le regard d’un homme. C’est le cas ici et c’est peu dire que le réalisateur Mohamed Ben Attia déborde de sensibilité. On comprend dès les premiers plans que quelque chose ne va pas dans la vie d’Hedi. On étouffe avec lui. Être un mec, assurer au travail, remplir ses objectifs, être responsable, solide. Et les responsabilités sont loin de se limiter à la sphère professionnelle : l’intimité est aussi sous contrôle, il faut épouser la fille choisie par la famille, l’union qui arrange tout le monde. L’angoisse.

Un frère faussement modèle et absent comme douloureuse comparaison, une mère pleine d’amour mais si présente qu’elle en devient envahissante et toxique : la famille d’Hedi est clairement un frein à son bonheur. A trop vouloir plaire à tout le monde, satisfaire ses proches, il s’est oublié lui-même et fonce tout logiquement vers une crise existentielle. Jusqu’à ce que la plantureuse et solaire Rim débarque comme un miracle. L’amour, celui qui n’est pas arrangé, la joie, l’esquisse d’un autre possible…

La forme exigeante empruntée à un certain cinéma social (les Frères Dardenne sont producteurs) se mêle à une intrigue ultra intimiste qui n’a pas peur de creuser très profond. « Hedi » est beau, fait mal aussi (notamment dans sa dernière partie), pose des questions. Campé avec finesse par Majd Mastoura, un personnage masculin qui reste en tête, plein de fêlures et d’espoirs déchus.

Film sorti en 2016 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3