HOWL de Rob Epstein & Jeffrey Friedman : les mots libres

By Gaspard Granaud | 10 avril 2021

1957, l’éditeur de « Howl et autres poèmes » d’ Allen Ginsberg est poursuivi en justice car l’œuvre est considérée comme obscène. Pendant qu’au tribunal son avocat (Jon Hamm) se donne à fond pour faire reconnaître la publication comme une œuvre de littérature et conserver la liberté d’expression, Allen Ginsberg (James Franco)  répond pour sa part à une interview et retrace son étonnant parcours.

Cet homme séduisant et érudit, marqué par la folie de sa mère, a fini par trouver ses marques en rencontrant ceux qui allaient avec lui représenter le mouvement de la beat génération (Jack Kerouac en tête) et pour qui son homosexualité ne posait aucun problème. Eternel amoureux, auteur d’une prose crue et ravageuse, l’homme se dévoile alors que Howl fait l’objet de nombreux débats, bousculant l’Amérique.

Rob Epstein et Jeffrey Friedman livrent une sorte d’anti biopic académique sur Allen Ginsberg avec Howl. Déjà, le film dresse le portrait de l’artiste autour de son œuvre phare Howl et autres poèmes. James Franco, habité, se met dans la peau de son personnage pour répondre à une interview façon documentaire. On le retrouve également en pleine présentation de son long poème en prose devant une assemblée émue et libérée par l’audace de ses mots. Mélangeant noir et blanc glamour et couleur, passages type documentaire et flashbacks très fictionnels, ajoutant au tout passages de procès hautement réflexif sur la littérature et la liberté d’expression, incluant enfin des passages animés illustrant des moments clés du poème : Howl est une œuvre qui déborde, dans le bon sens du terme.

Le film semble se ficher des limites, des contraintes, et ,à l’image de l’auteur auquel il rend hommage, s’affirme avec sa propre forme, son propre langage, porté par la passion. Le résultat est peut-être parfois inégal (le procès finit par un peu tourner en rond au bout d’un moment) mais réellement stimulant. Et surtout il faut noter à quel point les réalisateurs parviennent à illustrer, donner vie aux écrits de Ginsberg. On ressent chaque mot, on est captivés par les lectures, très vivantes, et en sortant de la salle on a qu’une envie : aller acheter l’ouvrage.

Relatant sur fond de jazz d’un mouvement phare de la contre-culture américaine, portrait délicat d’un jeune homosexuel assumant ses amours et évacuant ses peurs, traumatismes et démons grâce aux mots qu’il tape sur sa machine à écrire : Howl est un film émouvant, attachant et libérateur.

Film sorti en 2012 et disponible en VOD