CINEMA

HUIS-CLOS de Jacqueline Audry : bienvenue en enfer

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Adaptation de l’oeuvre phare de Jean-Paul Sartre, Huis-Clos était sorti en 1954. A la réalisation, la cinéaste Jacqueline Audry et au casting la présence remarquée d’Arletty. Assez pour égaler l’intensité de la pièce originale ?

Des hommes et des femmes débarquent dans ce qui ressemble à un grand hôtel. Mais ils ne sont pas là pour des vacances : ils sont morts et viennent d’arriver en enfer. Trois d’entre eux sont placés dans une grande pièce où ils réalisent qu’ils vont devoir vivre ensemble pour toujours.

Il y a Garcin (Franck Villard), un homme de lettres, Inès (Arletty), une employée des Postes, et Estelle (Gaby Sylvia), une mondaine qui fait son entrée en robe de soirée. Tous sont surpris de cet enfer qui se matérialise devant eux et qui ne ressemble pas du tout à ce qu’ils imaginaient. Pas de torture physique, de flammes, de bourreau. Juste un temps infini, l’extérieur qui n’existe plus, la faim coupée, le sommeil disparu. C’est déjà beaucoup, surtout quand on est contraint de rester avec deux inconnus jusqu’à la fin des temps.

Très vite, les tensions abondent. Chacun est curieux de savoir ce que les autres ont fait pour finir par être damnés. Les mensonges ne tiendront pas longtemps alors que se retrouve projetée sur une fenêtre la vie des proches des défunts, qui continuent à vivre et affrontent l’épreuve du deuil. Ces visions se révèlent vite douloureuses car elles dévoilent à la fois les secrets des protagonistes mais pose surtout le constat bien triste qu’une fois mort on peut être si vite oublié.

Aux douleurs du passé s’ajoute la tension du présent entre les 3 morts bloqués ensemble. Inès, lesbienne, désire instantanément Estelle. Mais cette dernière préfère se jeter dans les bras de Garcin. Un triangle littéralement infernal se met en place …

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L’oeuvre plaira sans doute davantage à ceux qui n’avaient pas lue l’oeuvre de Sartre. Si la mise en scène de cette adaptation n’a pas trop vieillie, elle manque étrangement d’intensité. Alors que la pièce de Sartre ne laissait aucun temps mort, ici le temps parait un peu long. La faute peut-être à des personnages qui manquent un peu de relief, trop ambivalents pour être un minimum attachants. On se passionne peu pour les vignettes du passé qui font irruption.

Si le film est clairement décevant et se révèle trop sage, il y a tout de même quelques bons points à retenir. L’érotisme et la perversité rentrée de Garcin incarné par Frank Villard et surtout l’interprétation d’Arletty dans la peau d’un personnage de lesbienne fascinante. Inès est peut-être le seul personnage qui réussit à être tout à la fois : touchant, amusant, tragique, manipulateur. Pas de doute que pour elle l’enfer c’est bien les autres, elle qui est morte à cause de sa compagne qui a tenté de se suicider, provoquant sa mort tandis que elle a survécu. La belle ne mettra pas longtemps à aller de l’avant et bloquée en enfer Inès revivra le canevas habituel et presque inéluctable d’un objet d’affection qui la repousse toujours à la fin pour aller vers un homme.

Film sorti en 1954. Disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3