CINEMA

I SPIT ON YOUR GRAVE de Meir Zarchi : oeil pour oeil

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Jennifer (Camille Keaton) est une belle et jeune new yorkaise à qui la vie sourit. Elle a plusieurs amants en ville, ses nouvelles ont été publiées dans des magazines féminins… Afin d’écrire son premier roman au calme, elle décide d’aller s’installer dans une maison, située dans une bourgade isolée.

A peine arrivée, elle fait la connaissance d’un séduisant pompiste, Johnny (Eron Tabor) ainsi que deux de ses amis, Stanley (Anthony Nichols) et Andy (Gunter Kleemann). Plus tard, elle se fait livrer ses courses par Matthew (Richard Pace), jeune homme à moitié attardé, qu’elle se plaît à allumer. Ce dernier traîne avec Johnny et ses camarades qui n’ont pas grand chose à faire de leur temps libre à part pêcher et rêver d’une autre vie. Alors que les garçons commencent à légèrement tourner autour de Jennifer, cette dernière les nargue légèrement : elle n’a pas la tête à ça.

Mais un jour, alors qu’elle part faire une balade en barque, elle se fait attraper par les dragueurs, qui comptent bien passer du bon temps en sa compagnie, avec ou sans son consentement. Encerclée par Johnny, Stanley, Andy et Matthew, elle comprend que les choses vont déraper. Les villageois vont la violer ,les uns après les autres, mettant ,non sans sadisme, en scène leur geste terrible. Conscients d’avoir commis l’irréparable, ils décident après leur acte de liquider la belle. C’est Matthew qui est désigné pour aller l’achever. Mais une fois face à elle, il se révèle incapable d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Il fait ainsi mine d’avoir exécuté la victime afin de ne pas être exclu de son clan.

A terre et en sang, Jennifer finit par reprendre ses esprits, guérit et prépare savamment une vengeance sanglante…

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Film culte de la fin des années 1970, I spit on your grave (sorti en France sous le titre Oeil pour œil et qui a depuis fait l’objet d’un remake), est typiquement ce que l’on appelle un film de « Rape & Revenge ». La première partie du film prend son temps, nous plongeant dans le quotidien de Jennifer, jeune romancière un brin bêcheuse. Ses regards ne trompent pas : elle se sent en position de force, prend de haut les différents villageois qu’elle rencontre. Son processus d’écriture un brin rasoir laisse place à l’attaque de Johnny et sa bande. On assiste, médusés, à 4 viols successifs, quasiment en temps réel. Les garçons font penser à des enfants sauvages qui tuent le temps. Coupés de tout, à l’avenir sans grand espoir, ils perdent peu à peu le sens des réalités. Ainsi, quand une fille comme Jennifer leur plaît, ils se l’octroient de force, sans prendre conscience sur le moment de l’atrocité de leur acte.

Les viols marquent le spectateur au fer rouge de par leur barbarie, l’amusement des jeunes hommes qui l’exécutent. Johnny, le seul beau mec du groupe, et aussi le seul à être marié et à avoir des enfants, apparaît comme la tête pensante. Il est le premier à violer Jennifer et se plaît à stimuler, encourager, et regarder ses camarades lui succéder. Profondément malsain. Cette première partie fait penser à d’autres films, sortis après lui, comme par exemple Funny Games de Michael Haneke. Manipulation, sadisme : le phénomène de groupe rendrait presque légitime le pire. Le personnage le plus marquant est sans aucun doute celui de Matthew. Un peu attardé, au premier abord sensible, il se révèle presque prêt à tout pour « garder ses amis », ne pas se retrouver exclu. Mais il a ses limites : quand vient le moment d’assassiner Jennifer, il se débine.

La seconde partie du film se consacre à la vengeance libératrice de Jennifer. Elle compte dégommer un a un, avec une mise en scène élaborée, ceux qui ont abusé d’elle. Pour arriver à ses fins, elle va user de ses charmes et profiter de la bêtise de chacun. Matthew et Johnny croient ainsi vraiment que celle qu’ils ont violé peut encore vouloir d’eux sexuellement, leur pardonner leur geste, le prendre à la légère. Véritable plaisir coupable que de voir Jennifer prendre sa revanche face à ces porcs, les entraîner dans ses filets pour mieux en venir à bout.

Si tout cela est un peu systématique et joue uniquement avec nos bas instincts, le long-métrage de Meir Zarchi délivre une drôle de fin à double tranchant. Tout d’abord on est « rassuré » que Jennifer s’en sorte et puisse prendre sa revanche. Persiste tout de même un certain sous-texte, un brin cruel, qui joue de l’opposition des citadins aux villageois. Ces derniers, même quand ils prennent de force le pouvoir, finissent par perdre la partie. Ils sont comme des animaux violents dont on finit par se jouer.

Plus subtil qu’il n’y paraît, voire plus douteux aux yeux de certains, I spit on your grave montre l’ambiguïté et la zone d’ombre de chacun de ses protagonistes. Victime, l’héroïne se mue en bourreau et va plus loin que ses agresseurs. Avant de se retrouver à sa merci, le personnage de Johnny lui fait remarquer, entre candeur et grossièreté inexcusable, que c’est elle qui a provoqué son propre viol en les aguichant et les méprisant. Le film s’interrompt à la fin des exécutions revanchardes de l’écrivain, à l’air soulagé. En tirera-t-elle un roman ? Pourra-t-elle continuer de vivre normalement après tout ce qui s’est passé ? Libre à chacun de penser ce qu’il veut. Exposant de façon très réaliste la violence et l’animalité propre à chacun, cette œuvre physique et dérangeante, brute, ne peut laisser indifférent.

Film sorti en 1978 et disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3