FICTIONS LGBT
IN & OUT de Frank Oz : la révélation
Howard Brackett (Kevin Kline) est professeur de littérature dans une petite bourgade de l’Indiana. Passionné par son travail, il est particulièrement apprécié par ses élèves. Alors qu’il s’apprête à se marier à Emily (Joan Cusack), avec laquelle il est en couple depuis trois ans, se profile un autre événement : Cameron Drake (Matt Dillon), qui a grandi dans la même ville qu’Howard et qui l’avait eu comme professeur, est nominé pour l’Oscar du meilleur acteur. Fierté de la région, Cameron amène chaque habitant à se poser devant son poste en croisant les doigts pour qu’il remporte le prix. Il est nominé pour un rôle de soldat gay. Le verdict tombe : il est déclaré grand vainqueur. Howard est fou de joie pour celui qui fut son petit protégé. Mais il déchante quand il entend le discours de ce dernier qui lui dédie son prix en le désignant comme gay.
Il n’en faut pas plus pour mettre toute la ville sens dessus dessous. Howard assure à celle qu’il va épouser quelques jours plus tard qu’il est tout à fait hétérosexuel, se justifie auprès de ses élèves et des journalistes qui envahissent le lycée dans lequel il exerce. Mais beaucoup restent suspicieux : au travail, on lui fait comprendre qu’il est grand temps qu’il se marie, histoire de ne pas froisser certains parents d’élèves et d’éviter un hypothétique licenciement. Alors que les derniers préparatifs du mariage suivent leur cours, Howard est poursuivi par un journaliste gay (Tom Selleck) qui s’est donné pour mission de le faire sortir du placard. Petit à petit, le professeur se remet en question et finit par ne plus savoir qui il est vraiment…
Comédie populaire américaine, In & Out était dotée, lors de sa sortie à la fin des années 1990, d’une certaine audace. Howard Brackett, professeur fan de Shakespeare et de Barbra Streisand, toujours propre sur lui, se déplaçant à vélo, précieux dans sa façon de s’exprimer, est sous le choc quand un ancien élève devenu star d’Hollywood prétend , sans le moindre doute et devant les téléspectateurs du monde entier, qu’il est gay. Drôle de coming out pour cet homme sensible de l’Indiana qui n’a jamais remis en question sa sexualité. Les propos de Cameron Drake lors de la Cérémonie des Oscars vont servir de révélateur. Howard découvre que ses élèves avaient déjà des doutes sur ses préférences, ses parents ne seraient pas choqués de la nouvelle même s’ils espèrent bien le marier. Seule son épouse promise, Emily, n’a jamais eu le moindre soupçon. Pourtant ils n’ont jamais eu de rapport sexuel en trois ans de relation. Howard est-il vraiment gay ou est-il simplement trop sophistiqué, efféminé, aux yeux de ses voisins ? Le film penche pour la première hypothèse et s’amuse de tous les clichés relatifs à l’homosexualité (manque de virilité, envie irrésistible de danser dès que passe du disco…). Le héros, finalement très lisse, asexué, apparait comme complètement dépassé par ce qui lui arrive, par des questions qu’il n’avait jamais véritablement osé se poser. Tellement dépassé que cela en devient drôle.
C’est un film bon enfant, oeuvrant pour la tolérance à une époque où l’homosexualité restait assez absente dans le cinéma mainstream. La bonne humeur est contagieuse, les seconds rôles sympathiques, la forme très formatée, les clichés déjoués de façon plus ou moins grossière. Le réalisateur Frank Oz montre la difficulté de s’assumer dans une petite ville sans histoires mais surtout les barrières que chacun s’impose à soi-même. De peur d’être jugé, on s’enferme dans un personnage, on fait attention à bien coller à ce que les autres attendent de nous. On ne veut blesser personne, on veut faire plaisir à tout le monde mais c’est finalement à soi qu’on finit par faire du mal.
Les bons sentiments ne manquent pas à l’appel (notamment lors d’une fin où la petite communauté s’unit pour réhabiliter le professeur licencié à cause de son homosexualité et de la possible mauvaise influence de celle-ci sur des ados), le scénario cède souvent à des facilités (des blagues récurrentes sur le fait qu’Howard est fan de Barbra Streisand sentent le réchauffé ; un second rôle de mannequin anorexique très très simpliste…). Si la subtilité n’est pas toujours de mise, son dénouement heureux permet à In & Out de prendre des allures de feel good movie. On en ressort léger, avec l’envie de s’assumer. Un film mineur mais plein de bonne humeur.
Film sorti en 1997. Disponible en DVD