FICTIONS LGBT

IN THE FAMILY de Patrick Wang : comprendre

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Martin, dans le Tennessee. Cody (Trevor St. John) et Joey (Patrick Wang) élèvent ensemble le petit garçon de Cody, Chip (Sebastian Banes). Ce dernier est aussi adorable que vif. Le quotidien suit son cours entre petits moments de bonheur et fatigue (Joey est très pris par son travail de décorateur d’intérieur).

Un jour, tout bascule. Cody a eu un accident, il est à l’hôpital. Joey tente de rester calme, de ne pas paniquer pour ne pas chambouler son fils. Alors qu’il attend des nouvelles concernant l’état de son compagnon, on lui refuse l’accès à sa chambre vu qu’il n’est pas de la famille. La sœur de Cody, Eileen (Kelly McAndrew), et son mari ,eux, sont autorisés à aller le voir. Il décède dans la nuit.

Face à ce drame, Joey et Chip tentent de continuer à vivre normalement. Mais alors qu’il rend visite à Eileen pour solliciter ses conseils en matière de paperasserie, la belle-soeur lui apprend que Cody avait rédigé un testament il y a quelques années (qu’il avait probablement oublié d’actualiser) et qu’il lui laissait à elle et son époux la garde de Chip. Joey se refuse à penser qu’elle osera le séparer de l’enfant qu’il a éduqué et pour lequel il a été un père pendant des années. Puis un jour, Chip lui est littéralement enlevé. Joey n’a même plus le droit de l’approcher.

Dévasté par cette insupportable séparation et par sa profonde injustice, il tente de sauver la face au travail. Devinant que quelque chose se trame, l’un de ses clients, un ancien avocat, lui demande d’exposer son histoire et lui propose son aide. La loi est contre lui mais il pourrait peut-être y avoir une solution…

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Avec In the family, Patrick Wang, qui officie ici comme réalisateur et acteur principal, offre un mélodrame bouleversant et d’une intelligence rare. Le métrage dure presque 3h mais défile à toute vitesse grâce à la finesse de son écriture, à des personnages denses, une émotion très forte qui ne nous lâche pas. Le bonheur d’une famille dite homoparentale vole en éclats suite au décès de l’un des deux papas. Comme on pouvait s’en douter, c’est un parcours du combattant qui attend Joey, personne essentielle dans la vie de Cody mais avec lequel il n’était pas marié et absent de son vieux testament…

Petit à petit nous suivons la descente aux enfers d’un homme qui refuse pourtant de baisser les bras, qui n’ose jamais pleurer ou susciter la pitié. Un homme en or confronté à une société moins chaleureuse et ouverte qu’elle n’y paraît. En opposition à son éprouvant combat pour tenter de trouver une solution afin de retrouver son enfant, nous découvrons par bribes l’histoire de sa relation avec Cody. Une relation complexe et inattendue : Cody était hétero, avait une femme dont il était fou amoureux. Elle est morte juste après avoir accouché de Chip, le laissant dans un état de profonde dépression. Devenant un ami et un soutien précieux, Joey a épaulé le veuf dans son calvaire et l’a bouleversé. Contre toute attente, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. Une évidence qui a eu un peu de mal à passer dans la famille de Cody. Alors que ce dernier décède à son tour, son compagnon fait les frais de vieilles rancoeurs qui étaient jusqu’alors restées muettes. Les parents de Cody tout comme sa sœur Eileen pensent que pour le bien être de Chip, il est préférable qu’il grandisse chez la sœur de son papa biologique. Le testament bien qu’ancien leur sert d’excuse.

Terrible, révoltante, apte à briser le cœur, la situation va pourtant connaître un dénouement inattendu. C’est là toute la force et la beauté de ce long-métrage qui témoigne d’une foi en l’autre et d’une humanité précieuses. Patrick Wang donne à voir la complexité de chacun, propose un regard apaisé sur des situations tumultueuses. L’atrocité se frotte à la bonté, face à la méchanceté, l’agressivité, s’oppose une nécessité de compréhension qui s’avérera libératrice. On ne dévoilera pas plus les différents retournements du film, très maîtrisé que ce soit dans son écriture ou sa mise en scène, porté par une interprétation sensible. In the family fait mal avant de faire du bien, amène à se poser tout un tas de questions sur l’existence, sur son prochain. Il le fait avec une justesse et une générosité rares et nous laisse au moment du générique dans un bouleversement total. Une œuvre dense et importante.

Film sorti le 19 novembre 2014 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3