FICTIONS LGBT

JOHAN de Philippe Vallois : garçon obsession

By  | 

Philippe Vallois se lance dans une déclaration d’amour filmée à Johan, un jeune homme unique en son genre, insaisissable. Preuve en est : le Johan en question, qui devait être devant la caméra, n’est finalement pas au rendez-vous. Il est en prison pour d’obscures raisons. Même s’il a possiblement fauté, sa logeuse ne peut s’empêcher de dire du bien de lui. Typiquement le genre de garçon obsédant, peu recommandable mais inoubliable, qui déclenche les passions les plus folles. Plusieurs fois, le réalisateur demande à ses amis ou à sa mère s’il fait bien de s’accrocher à ce fantasme vivant. Tout le monde lui répond que non, que cela ne le mènera à rien. Mais il est trop tard : Philippe Vallois est obsédé. Il lance donc un film sur Johan en attribuant son « personnage », son rôle, à d’autres comédiens, reconstituant des fragments de leur histoire.

johan philippe vallois

Film sur le fantasme amoureux et sensuel, sur l’absence de l’être aimé qui est pourtant partout, Johan (qui a eu différents titres comme Johan, mon été 75 ou Johan, carnet intime homosexuel) est une véritable expérience de cinéma. Entre cinéma vérité, documentaire, fiction totale : Philippe Vallois brouille les pistes comme il se perd dans ses propres sentiments. Petit à petit se dessine le portrait de l’être aimé, que le spectateur est invité à imaginer. Extraverti, un peu fou, entretenant avec son frère jumeau une relation incestueuse : l’objet de toutes les pensées du cinéaste est assurément un drôle d’oiseau.

A l’écran, les beaux garçons se succèdent et l’homosexualité des années 1970, entre Paris et New York, s’affiche sans complexe. Drague dans les lieux publics et autres jardins, étreintes fugaces, ode à la beauté masculine, portrait d’une homosexualité aux mille visages, entre liberté sexuelle, pratiques extrêmes et amour fou : c’est comme si Johan était l’homosexualité même. Normal puisque pour Philippe Valois il est l’absolu. Le film explore, ressasse, sublime le passé, alors que le présent n’est que frustration, lettres d’amour aux airs de monologue, et que l’avenir est on ne peut plus incertain (si Philippe Vallois ne doute pas une seconde de son amour, Johan, lui, semble plongé dans le doute dans sa cellule).

Plus que le récit d’une histoire d’amour  (potentiellement à sens unique) , Johan est aussi et surtout le portrait d’une époque, un cri d’affirmation et de liberté pour les gays. Le cinéaste livre son témoignage mais en recueille également beaucoup d’autres et la liberté de ton de l’ensemble, entre un jeune sadique assumé et une fille à pd hyper libérée et défoncée, nous rappelle la trilogie Warhol / Morrissey. Formellement très stimulant, Johan est un véritable tourbillon, une pépite à (re)découvrir d’urgence.

Film sorti en 1976 / Trouvable en DVD d’occasion

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3