FICTIONS LGBT

JONAS de Christophe Charrier : violences

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C’est un film à la trame à la fois simple et dramatique qui accroche de la première à la dernière seconde grâce à une atmosphère mélancolique et une sensibilité à fleur de peau. Jonas de Christophe Charrier touche en plein coeur en racontant un traumatisme adolescent et la perte d’un premier amour. L’occasion de retrouver Félix Maritaud, plus beau que jamais, après son éclatante révélation dans le film « Sauvage ».

Le film s’ouvre sur une suffocante scène où le personnage de Jonas, alors adolescent (Nicolas Bauwens), finit terrorisé dans une voiture au coeur d’une station-service un brin déserte. Il vient d’avoir une vision, celle de Nathan (Tommy Lee Baïk), son premier amour. Un amour perdu dont il ne parviendra toujours pas à panser les plaies presque 20 ans plus tard alors qu’il est devenu adulte.

jonas christophe charrier

Jeune trentenaire paumé, Jonas traîne son mal-être dès lors qu’il quitte son travail de brancardier. Il trompe son copain qui le flanque dehors, s’auto-détruit, boit et se bat dans le club gay local, le « Boy’s Paradise ». Son incapacité à avancer et à sourire à la vie est lié à un traumatisme ayant eu lieu lors de son adolescence. Le long-métrage alterne passages du présent et souvenirs de la période où tout a basculé.

Au milieu des années 1990, les radios jouent le « Don’t speak » de No Doubt et les garçons s’amusent avec Tetris sur leur Gameboy. Jonas est un ado solitaire qui broie du noir alors que son meilleur ami l’a abandonné. C’est là qu’arrive dans sa classe Nathan. A peine entre-t-il dans sa vie qu’il la bouscule. Les garçons vivent un début d’histoire plein d’insouciance. Mais les choses finissent par déraper. Tout le film s’articule autour d’un événement dramatique et mystérieux survenu le temps d’une nuit qui hante depuis Jonas.

L’ensemble a beaucoup de style, la mise en scène est à la fois sobre et poétique, joue de la nostalgie des années 1990 et raconte avec beaucoup de tendresse le début d’une idylle entre deux ados gays. Il y a quelque chose de très beau et d’universel, la puissance d’un souvenir d’autant plus vibrant qu’il prend les allures d’un paradis perdu à jamais.

jonas christophe charrier

Si le scénario n’est de prime abord pas particulièrement original, il se passe quelque chose à l’écran qui nous scotche du début à la fin. Peut-être est-ce du à la belle incarnation des acteurs, tous excellents, ou à la très belle écriture qui fait que l’on s’attache et que l’on aime pratiquement tous les personnages. On avance dans l’intrigue avec une boule au ventre, la peur de découvrir ce qui s’est vraiment passé. Et on partage de façon assez physique les violences enfouies avec lesquelles compose le personnage titre.

Des violences du quotidien, homophobes, comme beaucoup d’ados en ont connu. La violence d’une trahison de la part de quelqu’un que l’on aime. La pire des violences qui est celle qui survient brutalement et peut tout faire éclater comme un cauchemar qui se matérialiserait. Et la violence que l’on s’inflige à soi-même comme pour essayer de se dire qu’on arrive encore à ressentir quelque chose même si c’est de la douleur ou de la peine.

jonas christophe charrier jonas christophe charrier

Alors qu’on se demande si la relation entre Jonas et Nathan n’était pas toxique ou qui des deux à causé la perte de l’autre, on suit Jonas adulte qui stalke un mystérieux garçon s’appelant Léonard (Ilian Bergala).

Oeuvre puzzle rondement menée, Jonas est aussi et surtout l’occasion de constater une nouvelle fois à quel point Félix Maritaud bouffe l’écran. On tient vraiment là un acteur magnifique et magnétique, qui dégage une infinité d’émotions sans même avoir besoin de parler. Il apporte une densité inouïe à son personnage, une vulnérabilité bouleversante.

Le motif de la cicatrice revient plusieurs fois et c’est l’image que l’on retient de « Jonas ». Une blessure à vif qui ne guérira peut-être jamais mais qu’il faut accepter, tenter de panser, pour qui sait un jour renaître et parvenir à ré-insuffler un peu de magie dans ses yeux.

Film présenté au Festival Chéries Chéris 2018 // Diffusion le vendredi 23 novembre à 20h55 sur Arte et disponible en replay jusqu’au 6 décembre // Sortie en DVD aux éditions Outplay le 3 décembre

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3