FICTIONS LGBT

JOSÉ de Li Cheng : rêves d’ailleurs au Guatemala

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Avec José, le réalisateur Li Cheng nous raconte de façon réaliste et mélancolique le quotidien d’un jeune gay au Guatemala.

José (Enrique Salanic) a 19 ans et vit seul avec sa mère. Comme beaucoup d’habitants du Guatemala, ils sont frappés par la misère sociale et chaque jour il faut durement trimer pour survivre. La maman se lève aux aurores pour aller clandestinement sur des marchés ou ailleurs afin de vendre de la nourriture. José, lui, travaille dans un restaurant où il est aussi bien serveur que rabatteur pour amener de nouveaux clients. Sauf que depuis quelques temps, il a les idées ailleurs.

La seule échappatoire à un quotidien morne est la possibilité de rencontrer anonymement des garçons. Même si l’homosexualité est réprimée dans cette société où le religieux est scandé partout (les prêcheurs sont même dans les bus !), il est possible d’avoir accès à des applications de drague et de se rencontrer discrètement. José est alors le plus souvent possible avec son portable et parcourt la ville en quête de plaisirs éphémères et de tendresse. Il finit par s’attacher à un de ses amants, le beau et sensuel Luis (Manolo Herrera). Ce dernier aimerait lui proposer de fuir vers des horizons meilleurs. Mais José peut-il vraiment penser à ses propres envies alors qu’il sait que sa mère n’a que lui ?

josé li cheng

Li Cheng mêle ici joliment film social et portrait intimiste d’un jeune gay dans un Guatemala qui ne fait franchement pas rêver. La religion et les moralisateurs à chaque coin de rue, la misère étendue constamment au grand jour, le bruit, la saleté, l’absence de distractions… Le scénario n’est pas particulièrement original et peut avoir un air de déjà vu (si ce n’est que l’action se passe ici au Guatemala et cela donne un caractère exotique si l’on peut dire) mais le film mérite le coup d’oeil pour plusieurs raisons.

Déjà pour sa façon courageuse et sensuelle de montrer une sexualité gay certes clandestine mais souvent aussi assez douce. On apprécie par ailleurs la façon qu’a de filmer et mettre en avant des corps ordinaires le réalisateur. Par exemple Manolo Herrera, interprète du personnage de Luis, est absolument magnétique et érotique sans être un cliché de mâle musclé. On fond pour son visage, ses belles formes, son regard profond et un peu triste. Mais ce qui plait le plus ici c’est indéniablement la mise en scène. Une belle utilisation de la caméra épaule et une réalisation aérienne et poétique qui donne beaucoup de souffle à l’ensemble. Avec peu de moyens, Li Cheng réussit à signer une oeuvre belle et maîtrisée qui n’a pas à rougir face aux productions du reste du monde.

josé li cheng

Côté fond, on est donc dans quelque chose de plus classique mais finement écrit, narrant le choix cornélien d’un jeune gay tiraillé entre son sens du devoir (impossible de laisser tomber sa mère qui ne tient debout que pour lui) et sa soif de vivre (des portes de sortie se dessinent comme la proposition de Luis). Doux et dur à la fois, ce long-métrage mélancolique montre toute la solitude de gays plus ou moins jeunes qui rêvent d’un ailleurs. Touchant.

Film présenté au Festival Chéries Chéris 2019 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3