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JOSHUA TREE 1951 de Matthew Mishory : James Dean fantasmé

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Icône absolue du cinéma, emblème de la jeunesse et de la passion, James Dean est l’acteur de tous les fantasmes. Le jeune réalisateur Matthew Mishory l’a bien compris et nous invite dans son film Joshua Tree, 1951 : un portrait de James Dean à voyager avec lui dans son propre fantasme de l’indémodable Jimmy. Certes, le cinéaste a lu plusieurs ouvrages sur son sujet mais il a pris beaucoup de liberté pour livrer une version personnelle du jeune homme derrière l’acteur, avant que celui-ci ne devienne une star. C’est ce qui fait sans doute que l’on a tous rêvé et que l’on rêvera encore de James Dean : bien qu’il avait un charisme, une énergie qui n’appartenait qu’à lui, il restera toujours un mystère, une œuvre inachevée, sur laquelle chacun peut projeter ses désirs les plus fous.

Matthew Mishory nous dévoile un James Dean playboy et conscient de ses attributs (campé, avec brio, par le sexy James Preston). Il se sert de sa beauté et de sa jeunesse pour se créer un réseau, devient l’un des boys d’un homme riche qui le sort, l’accueille quand il le souhaite dans sa somptueuse villa peuplée de starlettes en devenir. Le soleil tape fort, les cocktails sont à disposition, les pin ups et aspirants cover boys se prélassent au milieu de la piscine sur leur matelas gonflable. Jouant le jeu, Jimmy voit tout de même plus grand qu’eux. Il se force à lire (même s’il confessera « penser en images plus qu’avec les mots ») , est doté d’une curiosité dévorante, prend sa réussite comme une question de vie ou de mort. Plastiquement superbe, lisse, il se laisse trahir par son regard brûlant, laissant deviner que de sombres démons l’habitent, qu’il n’est parfois qu’un enfant vulnérable.

joshua tree 1951 film

Film fantasme par excellence, Joshua Tree 1951, comme son titre l’indique, plonge le futur interprète d’A l’est d’eden et de La fureur de vivre dans un coin désert du sud-est de la Californie. Chaperonné par une assistante et amie de son «bienfaiteur » (et ex aspirante actrice meurtrie) , accompagné de son meilleur ami avec lequel il entretient une relation ambiguë (Dan Glenn) , Dean réfléchit à ce qu’il lui faudra faire, ce qu’il devra abandonner pour réaliser le rêve de sa vie. La temporalité est assez floue, on est définitivement perdus, on navigue d’un souvenir à l’autre, avec la sensation de déambuler dans un rêve. Le montage est caressant, les scènes se suivent avec une folle sensualité et on se laisse vite hypnotiser. C’est une œuvre qui ravit constamment les yeux, sophistiquée, presque trop belle pour être vraie.

Le talent de metteur en scène de Matthew Mishory est éclatant : on reconnaît au détour de nombreux plans des photographies célèbres de James Dean, des images qui ont forgé le mythe, alimenté le fantasme. Et ça nous revient en tête : si cet acteur obsède tant, c’est qu’il était tout à la fois. Beau et sensible, émouvant et opportuniste, lucide et à vif, rebelle hyper sexué et enfant perdu, étalon pour ces dames et minet soumis avec ces messieurs. Le fantasme de Mishory est un James Dean avant tout attiré par les personnes du même sexe. Le film s’attarde ainsi beaucoup sur sa relation faite de non-dits et de frustration avec son « Roommate ». Un acteur plus âgé, fou de désir pour lui, mais restant dans l’ombre. Ces passages sentimentaux s’opposent à des segments plus osés comme un plan entre James Dean et un actif directif ou sa rencontre sur la plage avec un jeune homme qui lui plait assez pour qu’il se fasse actif à son tour… Qu’il soit question d’amour ou de sexualité, chaque scène est pleine d’intensité, de tension, presque fantomatique, assurément onirique. Comme une sensation de voir à l’écran le rêve se matérialiser puis subitement s’évaporer.

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Jeune premier plus futé que les autres, finissant par coucher pour réussir mais convaincu qu’il n’entrave pas sa liberté, James Dean avance vers le succès et nous, comme tous les personnages, on le contemple, on le désire, on en tombe encore et encore amoureux. Peu importe ce qui est vrai ou faux, nous sommes ici face à l’anti biopic formaté par excellence. Matthew Mishory nous invite dans une expérience tour à tour spirituelle, physique, glamour et figée comme du papier glacé, déchirante comme s’il était question de notre vie. Poèmes de Rimbaud, citations du Petit Prince, chanson de crooner : on se laisse envoûter par ce spectacle d’un raffinement rare qui abreuve le fantasme James Dean et qui n’enlève rien de son obsédant mystère. Etonnant et stimulant.

Film produit en 2012 et disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3