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JOURNAL D’UN ADOLESCENT (Yo, adolescente) de Lucas Santa Ana : entre euphorie et haute mélancolie

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Teen Movie en provenance d’Argentine, Journal d’un adolescent (Yo, adolescente en VO) raconte le vertige d’un garçon de 16 ans qui se cherche complètement au risque de se perdre. Entre légèreté des corps et mélancolie fatale, un film plus sinueux qu’il n’en a l’air. 

Début des années 2000. Nous suivons le quotidien de Nicolas, que tout le monde appelle Zabo (Renato Quattordio). Fan de rock, de punk et de musique indépendante, il aime passer son temps dans des concerts ou à organiser des soirées avec ses amis. 

Après une période difficile (un incendie a eu lieu dans une salle de concert et plusieurs camarades du lycée n’y ont pas survécu / un de ses meilleurs amis, Pol (Tomás Agüero), s’est suicidé), Zabo entame sa rentrée et raconte son quotidien sur un blog qu’il n’ose publier mais qui se déroule le long du film en voix off. 

Petit à petit, la légèreté reprend. Zabo trouve un lieu clandestin où organiser des fêtes. Quand il ne passe pas son temps à plaisanter, il rêve de former un couple avec une âme soeur qui aurait entre autres les mêmes goûts musicaux que lui. Il pense à son amie de toujours Maria (Agustina Cabo) mais cette dernière emballe un de ses amis juste devant lui à une soirée. Alors que son autre ami proche Tomàs (Thomas Lepera) le console et lui fait un câlin, Zabo se met à s’interroger : et s’il était bisexuel et que Tomàs était son âme soeur ?

En pleine quête de lui-même, Zabo reprend contact avec un ancien ami gay (qu’il avait à l’époque un peu rejeté car ce dernier lui avait avoué être amoureux de lui) pour lui demander des conseils. Cet ami était aussi proche de Pol dont la disparition hante toujours de façon silencieuse Zabo… et Pol était gay. 

Redoutant que Tomàs ne le rejette s’il lui avouait ses sentiments, Zabo devient distant et va explorer sa sexualité à travers deux nouvelles relations : l’une avec Tina (Malena Narvay) une fille cool de son âge déjà en couple avec un garçon plus âgé, l’autre avec Ramiro (Jerónimo Bosia) un camarade faussement lisse qui va se révéler très passionné. Ces amourettes qui pourraient permettre à Zabo de grandir vont se révéler plus destructrices que tout ce qu’il aurait pu imaginer… 

journal d'un adolescent film
journal d'un adolescent film

Si la forme de Journal d’un adolescent est on ne peut plus classique, ce qu’il raconte l’est nettement moins. De prime abord, on a l’impression de déambuler dans un teen movie assez balisé entre fêtes, concerts rock et dilemmes sentimentaux. Sauf qu’une sorte de mélancolie noire rode en permanence. 

Il y a de belles choses dans ce long-métrage joliment interprété par une bande de jeunes comédiens talentueux et craquants. Le réalisateur argentin Lucas Santa Ana nous replonge parfaitement dans le quotidien de l’adolescence et nous fait ressentir les questionnements faussement superficiels des différents protagonistes. Le personnage de Zabo se découvre bisexuel et explore la chose avec maladresse. Son insouciance va avoir des répercussions particulièrement dramatiques. 

journal d'un adolescent film

Quand on a 15-16 ans, on découvre ses attirances mais aussi et surtout l’amour. Et on le vit intensément, parfois beaucoup trop. C’est au final le grand sujet de ce film qui montre à quel point le vertige des sentiments peut avoir des conséquences terribles chez de jeunes êtres parfois bien plus instables qu’ils n’en ont l’air. L’amour a vite fait de se transformer en un jeu cruel et destructeur et tout le monde n’a pas forcément les épaules assez solides pour encaisser les gros premiers revers que l’on peut expérimenter à un âge par essence compliqué. 

Jusqu’à un final très sombre qui peut ne pas faire l’unanimité, Journal d’un adolescent montre l’euphorie et le spleen de l’adolescence avec justesse et comment on peut passer si facilement du rire aux larmes. Son auteur, qui adapte ici un livre, a à l’évidence voulu faire ce film avant tout pour les ados vulnérables et rongés par le spleen, leur proposant une conclusion certes amère mais aussi sous le signe de la pédagogie. À l’image de son personnage principal, voici un film instable, constamment entre deux états, parfois brouillon, parfois dur aussi mais attachant. 

Film produit en 2019 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3