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KABOOM de Gregg Araki : vers 19 ans et au-delà

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A l’approche de ses 19 ans, Smith (Thomas Dekker) fait un étrange rêve. Il y traverse un couloir et croise le chemin de deux filles inconnues avant d’arriver jusqu’à une mystérieuse porte…Réveillé, le jeune homme finit par rencontrer dans « la vraie vie » les deux énigmatiques jeunes femmes. L’une s’appelle Lorelei (Roxane Mesquida) et s’avère être la nouvelle copine de la meilleure amie de Smith, la piquante Stella (Haley Bennett) ; l’autre finit par disparaître et Smith pense assister à son enlèvement ou meurtre (il n’est sûr de rien car il était totalement high).

Que se passe-t-il donc sur le campus ? Les incidents bizarres se succèdent et Smith commence à croire qu’il est au cœur d’une véritable conspiration…En attendant, il tue le temps avec des préoccupations bien de son jeune âge : il fantasme sur son coloc hétéro surfeur décérébré, Thor , est sur une piste romantique avec un jeune étudiant gay, couche avec une fille à pédés (la délicieusement paumée London interprétée par Juno Temple). Sauteries et énigmes…Kaboom ?

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Présenté en séance spéciale à Cannes 2010 (où il reçut la toute première « Queer Palm ») ,Kaboom était particulièrement attendu par les fans de Gregg Araki. Avec son pitch faisant la part belle à une jeunesse sexuellement libérée et défoncée, les amateurs étaient en droit de s’attendre à un retour du réalisateur, digne de ses premiers films rock’n roll , The Doom Generation ou Nowhere (pour ne citer qu’eux). Si on trouvera bien des correspondances, des ressemblances, force est de constater que Kaboom est aussi mainstream que The Doom generation était underground. Ici, exit la jeunesse sexy et sauvage et bonjour la jeunesse des années du début des années 2000 : jeunesse méchée, lisse, toujours habillée à la dernière tendance. Plus pop que rock, Kaboom se regarde avec plaisir, se savoure comme une irrésistible sucrerie. Tout le monde y est beau et rigolo, la musique est branchée et pop, on parle beaucoup de sexe mais on en montre peu…

Nul doute que Kaboom paraitra comme une « comédie sous acide » pour ceux qui n’ont jamais vu une des précédentes œuvres de son auteur. Mais pour ceux qui le suivent depuis ses débuts, ce divertissement savamment dosé apparaîtra un peu (trop) sage même si on s’éclate souvent pendant sa vision et qu’on ne peut s’empêcher d’exploser de rire face à certaines répliques qui ont tout pour être cultes.

Le film reste un pur concentré de fun et on retrouve bien le style Araki à partir de la seconde moitié du métrage, celle où tout part doucement en vrille, où le campus aseptisé devient le terrain de jeu d’un vrai film de stoner, riche en second degré, en situations absurdes et en rebondissements aussi improbables que jouissifs.  Mention spéciale à Roxane Mesquida, amusante et sexy, digne héritière de Rose McGowan.

Les personnages sont tous amusants et attachants,  le scénario riche en histoires de cœur et de c*l dans lesquelles chacun pourra se retrouver et surtout, mine de rien, Gregg Araki livre un portrait maitrisé et décalé sur la peur d’une jeunesse en fuite, logiquement vouée à s’achever tôt ou tard. Sur la mystérieuse porte que Smith voit dans son rêve, il y a un 19. Derrière elle, un bouton qui pourrait déclencher la fin du monde. Le monde adulte, c’est la fin, la mort. En faisant un petit pas dans ce nouveau monde (celui où on ne peut plus passer ses journées à être high ou se tripoter en permanence en pensant à son coloc hétéro), en quittant le rêve pour la réalité et les responsabilités, c’est une page qui se tourne…

Le sujet est traité avec tellement de fantaisie que l’on oubliera de ronchonner sur le fait que c’est un Araki un peu mineur pour mieux se réjouir à l’idée que Kaboom permettra à beaucoup de se plonger dans l’univers d’un cinéaste éternellement adolescent.

Sortie en 2010 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3