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King Krule, 6 feet beneath the moon : voix grave dans la nuit noire

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Archy Marshall a pris son temps. Après des débuts sous le pseudonyme Zoo Kid, il attirait déjà toutes les curiosités en 2011 en officiant sous son nouveau nom de scène : King Krule . Voix puissante et chaude, d’un autre temps, dans un corps de petit rouquin semblant tout juste sorti de l’adolescence, des clips intrigants… C’est seulement deux années plus tard que nous arrive son premier album, 6 feet beneath the moon. Le temps nécessaire pour fignoler, ne pas se laisser happer par un buzz éphémère. Sur ce disque qui ne manquera pas de marquer 2013, King Krule a choisi de ne pas intégrer les différents singles qui l’avaient fait connaître. Il livre pourtant un ensemble généreux, constitué de 14 morceaux à la rare cohérence. Suite à la première écoute, on ne parvient d’ailleurs pas forcément à tout distinguer. Il a réussi à nous mettre dans un drôle d’état, on ne sait plus où l’on est. C’est un album plein de mystère, qui nous plonge dans une nuit noire pleine de fulgurances, de subtilités qui se révèlent au fil du temps.

On ne peut s’empêcher de parler encore et encore de cette voix hallucinante, grave, qui semble appartenir à un homme qui aurait déjà traversé toute la vie. Assurance, sagesse et mélancolie. Parfois, le jeune chanteur cède d’ailleurs à la tentation d’en faire un peu trop (à la longue, la coquetterie de Has this hit ? finit légèrement par irriter). Mais il sait bien se tenir sur l’ensemble d’une route musicale joliment inclassable dont le coup d’envoi est donné par Easy Easy, véritable tuerie à tous les niveaux (le chant, les paroles, la mélodie qui ne cesse de gagner en puissance). La force de ce disque hypnotique est de nous emporter extrêmement loin, au cœur d’un voyage intense et mental, avec de simples accords, discrets mais d’une élégance à se damner. Le flow moderne se mélange à des mélodies rock, new wave, dark wave, dubstep, à des ballades pleines de brumes et d’incertitudes. Chaque piste à ce je ne sais quoi qui titille, qui joue avec l’émotion et déjoue les attentes. On s’y plonge, s’y noie avec plaisir. C’est dense, faussement calme, extrêmement vivant et poétique. Attention, talent monstre ! Pistes préférées : Border Line, Ceilling, Baby Blue, Cementality, Will I come, Neptune Estate.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3