FICTIONS LGBT

KOKOMO CITY de D. Smith : fières contre tout et tous 

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Grand Prix Documentaire du Festival Chéries Chéris 2023, Kokomo City nous fait découvrir les vies et les souvenirs de plusieurs femmes noires trans qui survivent en marge en vendant leurs charmes. Un documentaire fort et plein d’authenticité. 

Être une femme c’est pas tous les jours facile. Être une femme noire encore moins. Être une femme noire trans encore moins. Être une femme noire trans définitivement moins. Et si en plus vous êtes une femme noire trans travailleuse du sexe, vous avez un bon package pour qu’on essaie de vous laisser à la marge. Les héroïnes du documentaire Kokomo City en ont bavé c’est sûr et n’ont pas eu la chance de grandir dans les beaux quartiers : chacun de leur choix, chaque liberté, elles ont dû les arracher.

A l’écran, dans un noir et blanc qui tend à glamouriser un filmage brut et intimiste, les femmes battantes se succèdent et racontent une sorte d’engrenage inéluctable : grandir dans les quartiers défavorisés, faire son coming out gay et/ou trans, se retrouver à la porte, devoir essayer de survivre par tous les moyens. Même si la vie ne les a pas épargnées et que leur quotidien rime avec dangerosité, aucune des intervenantes n’est là pour nous tirer des larmes. Dignes, puissantes mêmes, elles ne manquent pas d’anecdotes et d’humour et nous font vivre leur quotidien et leurs expériences hautes en couleur avec un franc parler qui détonne. 

Tout semble se lier contre ces femmes qui ont juste simplement cherché à être elles-mêmes dans un environnement peu enclin à accueillir leur identité de genre, leurs différences. Les familles qui les rejettent, les membres de la communauté noire et les femmes qui les méprisent, les bad boys qui sont attirés par elle mais qui n’assument pas et peuvent devenir violents (souvent après l’orgasme)… Le film donne à voir le chemin de croix de ces TDS pour qui chaque jour avoir de quoi vivre relève du combat. Mais comme elles en témoignent, malgré le sort qui s’acharne, malgré les copines qui disparaissent souvent tragiquement, malgré une société qui ne veut pas les voir, elles sont là et ne comptez pas sur elles pour avoir honte de leurs choix. Belles, combatives, apprenant de leurs traumas et de leurs épreuves, elles ont un regard affuté sur leur travail et leur condition et balancent à toute allure tout un tas de constats et de vérités que le spectateur ne peut qu’assimiler. 

kokomo city film

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Car si la bien pensance s’impose en façade, la vérité c’est que les hommes sont nombreux à se presser dans leur chambre après une journée de travail pour réaliser leurs fantasmes, trompant souvent au passage leurs compagnes. 

La galerie éclectique de portraits dressés permet d’avoir des témoignages tour à tour durs, émouvants ou plus légers et mordants, pas avares en récits croustillants et cinématographiques. Quelques hommes s’invitent dans le champ, pour délier les langues, montrer qu’être un homme c’est aussi assumer ses attirances et ne pas enfoncer celles que l’on aime et désire mais que la société peut encore amener à juger et dénigrer. La route est encore longue pour arriver à une égalité qui quand on y réfléchit une minute n’aurait rien de si étonnante. 

Le ton est très cash, incisif, sans fioritures et la forme sert très bien la chose oscillant entre filmage brut et fauché et moments plus fantaisistes. On n’a plus envie de quitter ces femmes belles et courageuses qui forcent le respect. 

Film sorti en salles le 6 décembre 2023 après avoir obtenu le Grand Prix au Festival Chéries Chéris  

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3